L’exploitant agricole qui souhaite cesser son activité agricole au moment du départ en retraite, peut envisager le transfert entre époux (couple marié, pacsé ou concubin), sous conditions.
On envisage souvent « la substitution entre époux » sur l’exploitation agricole. Toutefois cette substitution ne peut se réaliser qu’une fois certaines conditions et formalités administratives réalisées.
Principe
Par le terme « substitution entre époux » il faut entendre le remplacement d’une personne par une autre et cela correspond à différentes opérations juridiques :
- transfert de la qualité d’exploitant de l’entreprise individuelle ;
- cession au conjoint ;
- vente au conjoint.
Afin de pouvoir transférer l’exploitation agricole à son conjoint, il est important d’étudier en premier lieu le régime matrimonial et l’origine de propriété. Ainsi, le terme « substitution entre époux » laisse entendre la substitution sur des biens communs.
Il n’y a pas de substitution entre époux quand ils sont mariés en séparation de biens, pacsés, ou en concubinage. Ou encore quand l’exploitation agricole a une origine propre de l’exploitant. Dans ces derniers cas, le transfert entre époux reste possible mais il conviendra à l’exploitant de vendre ou d’envisager une donation de l’exploitation agricole à son épouse.
Les conditions réglementaires
1. Le contrôle des structures
Au moment de la substitution entre époux, le conjoint va s’installer et va donc être soumis, comme tout agriculteur, à la réglementation agricole du contrôle des structures.
Ainsi, il doit disposer d’une autorisation d’exploiter préalable, dans les cas suivants :
- conjoint ne possède pas la capacité agricole (diplôme ou expérience professionnelle) ;
- surface totale mise en valeur qui excède le seuil fixé au SDREA (1) ;
- conjoint pluriactif (ses revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du Smic).
Dans les cas cités précédemment, le conjoint devra déposer une demande d’autorisation d’exploiter auprès de la DDT du siège d’exploitation par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception. Le préfet dispose ensuite d’un délai de 4 mois à compter de la date d’enregistrement du dossier complet pour statuer sur la demande.
(1) SDREA : Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricole
2. L’exploitation et les aides de la PAC
Le conjoint qui envisage de reprendre l’exploitation va également pouvoir bénéficier des aides PAC en réalisant certaines démarches particulières :
- la substitution entrainant le changement d’exploitant agricole, cela implique un changement de numéro SIRET ;
- le conjoint qui a repris l’exploitation agricole doit donc ensuite réaliser la déclaration PAC avec un numéro PACAGE attribué au préalable par la DDT ;
- les DPB appartenant à l’ancien exploitant doivent être transférés au conjoint en complétant des formulaires de clause de transfert de DPB qui devront être déposés à la DDT avant le 15 mai suivant la substitution.
Foncier
Foncier détenu en location par l’exploitant souhaitant céder son exploitation
Certains propriétaires ont rédigé des baux dits « copreneurs entre époux ». Dans ce cas le conjoint peut poursuivre suite au départ de son conjoint. Il faut être vigilant et respecter le formalisme imposé par le statut du fermage en cas de départ d’un copreneur. Dans le cas contraire, le copreneur pourrait perdre les droits inhérents à ce bail et notamment celui de céder le bail aux descendants.
Le preneur doit adresser sa demande au bailleur dans un délai de trois mois à compter de la cessation d’activité du copreneur (LR avec AR).
Si les terres sont exploitées par bail au nom de la personne qui cesse, alors il peut demander la cession du bail au profit du conjoint. A condition pour ce dernier de respecter certains conditions (2).
(2) Article L411-35 du Code Rural
Foncier appartenant aux époux
Il faut distinguer l’origine de propriété des biens. Si les terres dépendent de la communauté, il n’y aura aucun changement suite à la substitution entre époux.
Le conjoint qui cesse devra conclure un mandat de gestion ou un bail sur ses terres en bien propre.
Régime fiscal et social
Lorsqu’un exploitant agricole prend sa retraite avec transfert entre époux, celui-ci poursuit l’exploitation. Il n’est pas nouvel exploitant en matière de bénéfices agricoles. Il aura donc le même régime d’imposition, le même bilan.
De même, il conserve les options fiscales (durée d’activité, régime de TVA, DEP, …).
D’un point de vue social , par principe, le conjoint qui s’installe devrait se voir appliquer la règle de l’assiette forfaitaire.
Les formalités à effectuer par l’exploitant
L’exploitant agricole qui souhaite cesser son activité et transmettre à son conjoint doit compléter et transmettre au CFE (3) différents formulaires propres à sa situation.
(3) CFE : Centre de Formalités des Entreprises
Avis du juriste
Lors de la substitution entre époux, les différents contrats conclus devront être modifiés, transférés ou encore résiliés. Cela concerne assurances, cartes grises, contrats de production, de location… Sollicitez un avis complet et global pour les aspects fiscal, social, rural, contrôle des structures, aides PAC, …
C. Berneron, juriste Cerfrance Alliance Centre,
18/09/2018, mis à jour 18/11/2021
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Bonjour,
un bail rural verbal a été conclu avec ma famille -Je n’ai eu connaissance de ce bail au décès de ma maman, lorsque j’ai reçu le fermage.
L’agriculteur peut-il transmettre le bail à ses enfants (avec notre accord). Ceux ci habitent à plus de 250 km du terrain à exploiter. Ont ils le droit de sous louer à un agriculteur de la région SANS nous en informer ? Merci pour votre réponse.
Le bail rural verbal est une « mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole » (référence : code rural).
Le bail rural verbal est, de même que le bail écrit, automatiquement soumis au statut du fermage qui lui est inhérent.
Le bail rural verbal est établi pour la même durée que le bail rural écrit, c’est à dire au minimum neuf ans.
Les droits conférés par le droit rural verbal à l’agriculteur sont transmissibles et héritables à sa famille proche, c’est à dire à conjoint ou partenaire pacsé et descendants.
En conséquence, le bail verbal peut être transmis (on parle d’une cession de bail), après accord du propriétaire. Par ailleurs, la sous-location est interdite pour tous les baux qui relèvent du statut du fermage (art. L411-35 du Code rural), « … sauf si ces opérations sont consenties avec l’accord exprès et écrit du bailleur. »
Bonjour,
Dans une earl, Monsieur est chef d’exploitation et son épouse est salariée .
Le bail a fermé a été conclu uniquement avec monsieur.
A sa retraite, madame peut elle devenir chef d’exploitation et gérante de l’earl?
En tant que bailleur, pourrai-je m’opposer a la transmission du bail a Madame, actuellement salariée agricole.
Je vous remercie.
Le fermier a deux possibilités :
1. Demander une résiliation amiable : « Cas le plus fréquent, le preneur atteint l’âge de la retraite, il peut solliciter la résiliation dans un délai de 12 mois précédant la fin prévue du bail. Ainsi, le bail s’achèvera à la fin de l’une des périodes annuelles qui suit la date à laquelle le preneur a atteint l’âge de la retraite. » (voir notre article)
2. Demander la cession du bail s’il s’agit d’un bail rural « classique » (et non d’un « bail cessible », apparu en 2006 avec la Loi d’Orientation Agricole) : « Le preneur en place peut uniquement céder son bail à son conjoint ou à son partenaire lié par un PACS participant à l’exploitation ou à un descendant majeur ou ayant été émancipé. » (voir notre article)
Le conjoint peut donc « recueillir » le bail, si :
• Sa participation à l’exploitation est avérée ;
• Madame satisfait aux exigences du contrôle des structures.
Je suis salarié agricole depuis 42 ans. Je suis aussi éleveur bovin depuis 2003 en tant que chef d’exploitation et possède 18 hectares. Je désire prendre ma retraite de salarié pour carrière longue. Dois je arrêter mon exploitation pour pouvoir toucher la retraite?
La question posée relève du cumul emploi-retraite. Ce dispositif permet de reprendre ou de poursuivre une activité professionnelle en cumulant revenu agricole et retraite. Mais les règles du cumul emploi retraite sont très particulières.
Pour résumer, il y a 2 cas possibles :
Soit cumuler en totalité sa retraite (de base + complémentaire) avec un revenu professionnel si :
1. Vous avez liquidé toutes vos retraites de base + complémentaires
Et
2. Vous bénéficiez d’une retraite à taux plein.
Soit cumuler partiellement retraite et revenu agricole.
Je vous invite à demander rendez-vous à la MSA dont vous relevez pour vérifier que vous remplissez les conditions. Il y a toujours un risque de remise en cause et de devoir rembourser la retraite perçue.
Référence : site service-public.fr : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13243
Née en juin 1955,Épouse d’un exploitant agricole, 2 enfants,(84 et 88) travaillant de juin 1976 à 2011 Aide Médico Psychologique auprès d’handicapés, en invalidité en 2009 (la Carsat m’a mise en retraite en juillet 2017) retraite de mon mari juillet 2014 (né en 1953).Exploitation transmise à mon nom en juin 2014 faite avec la chambre d’agriculture .Pour m’a part ,cessation totale en mai 2018, mon mari enfin décidé a vendu les terres (notaire).En février 2019, la Carsat me réclame un trop perçu de 04/2018 au 04/2020, prétextant que je n’avait pas arrêté mes activités professionnelles faute de ne pas avoir vendu les parcelles et pris ma retraite agricole le 12 /2019. Donc suppression de ma retraite du régime général à compter du 02/2019.. à cette date,2021 je ne touche toujours rien! Cotiser toute sa vie pour en arriver là,,??chercher l’erreur..
Madame,
Votre réaction face à la situation que vous vivez est compréhensible.
Le cumul « emploi retraite » est possible mais très encadré. Pour faire court, la réglementation plafonne et écrête le montant de retraite perçu en cas de reprise d’une activité indépendante (ou salariée).
Depuis 2017, il y a écrêtement lorsque que le cumul « emploi ou activité + retraite » dépasse 1,6 fois le smic. Le montant du « trop perçu » réclamé par la CARSAT semble tout à fait correspondre.
Avant 2017, le versement de la retraite était intégralement suspendu.
Bien cordialement,
PS : vous pouvez aussi lire nos articles sur le sujet, en recopiant les liens :
Cumul emploi-retraite plafonné : les pensions sont écrêtées (https://terreconnect.fr/plafond-cumul-emploi-retraite)
Le cumul emploi retraite (https://terreconnect.fr/cumul-emploi-retraite-alternative-a-larret-dactivite)