L’apport du droit au bail, prévu par le statut du fermage est un dispositif permettant à un preneur de transférer son titre de jouissance à une société.
Les différents moyens d’exploiter des terres au sein d’une société
Différents dispositifs juridiques permettent à une société civile agricole d’exploiter des terres agricoles.
Lorsque les terres appartiennent à la société, elle les exploite directement, c’est le faire valoir direct.
Pour les terres appartenant aux associés, elles peuvent être exploitées par la société en vertu :
- d’une convention de mise à disposition, convention que seuls les associés participant aux travaux de la société ont la possibilité de mettre en place ;
- d’un bail rural consenti à la société par le(s) associé(s) de la société quel que soit leur statut ;
- ou d’un prêt à usage parfois appelé « commodat », pour lequel l’associé ne sera pas rémunéré.
Les terres appartenant à des tiers font généralement l’objet d’un bail rural :
- soit au profit de la société directement,
- soit au profit des associés qui ensuite mettent à disposition le bail à la société.
Lorsque le bail a été initialement fait à une personne physique, celle-ci peut décider d’apporter son droit au bail à la société.
Les caractéristiques de l’apport du droit au bail
L’apport du droit au bail est possible uniquement au profit d’une société civile d’exploitation agricole (EARL, SCEA) ou à un groupement de propriétaires ou d’exploitants (GAEC). Les sociétés commerciales ne peuvent pas bénéficier d’un apport de droit au bail.
L’apport du droit au bail doit être réalisé selon un formalisme spécifique.
Tout d’abord, pour apporter son droit au bail, le preneur devra obtenir l’accord du propriétaire. Le propriétaire est libre de refuser et cela sans possibilité de recours pour le preneur. En effet, un tribunal paritaire ne pourrait pas autoriser l’apport du droit au bail. L’apport sans autorisation du propriétaire constitue une cession prohibée sanctionnée par une nullité d’ordre public.
Ensuite, l’apport devra être signifié par acte d’huissier au bailleur ou accepté par lui dans un acte. Cette signification ou acceptation rend l’apport du droit au bail opposable au bailleur, ce qui permet d’en tirer toutes les conséquences juridiques.
La société devient alors titulaire du bail à la place de la personne physique. Cette conséquence de l’apport du droit au bail est rappelée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 11 février 2016 (1). Dans cette affaire un propriétaire avait délivré un congé à des preneurs qui avaient apporté leur droit au bail à une société. Suite à cet apport la société était devenue titulaire du bail, de sorte que les preneurs d’origine n’avaient plus de droit sur le bail. Le congé délivré aux preneurs d’origine était inopposable à la société bénéficiaire de l’apport.
(1) Cass. Civ. 3, 11 févr. 2016, n° 13-11.685
Comparaison de l’apport du droit au bail et de la mise à disposition des biens en location
La mise à disposition de biens loués est couramment utilisée. Car elle ne nécessite pas l’autorisation du propriétaire. Le tableau ci-dessous permet de comparer ces deux dispositifs :
Apport du droit au bail | Mise à disposition | |
---|---|---|
Texte applicable | L 411-38 du code rural | L 411-37 du code rural |
Titulaire du bail | La société | L’associé reste titulaire du bail |
Relation avec le propriétaire | Autorisation du propriétaire | Simple information du propriétaire |
Relation avec le conjoint collaborateur | Autorisation du conjoint participant aux travaux | Pas d’autorisation particulière |
Caractéristiques de la société | Société civile agricole ou groupement de propriétaires ou d’exploitants | Société ayant personnalité morale (ou Société en participation régie par des statuts ayant acquis date certaine). Objet principalement agricole. Capital majoritairement détenu par des personnes physiques. |
Formalisme | Signification au bailleur par acte d’huissier ou acceptation dans un acte | Lettre recommandée avec accusé de réception à adresser au propriétaire dans les deux mois suivant la mise à disposition. |
Sanction(s) en cas de non respect du formalisme | Nullité de l’apport, résiliation du bail sur demande du propriétaire | Après mise en demeure de réaliser l’information, résiliation si le défaut d’information est de nature à porter préjudice au bailleur |
Avis de juriste
Avec l’apport du droit au bail, la société devient titulaire du bail à la place de la personne physique. Cela aura donc des conséquences sur le droit à céder le bail, le renouvellement, le congé délivré par un propriétaire, … Il s’agit d’une disposition très particulière qui peut répondre à des objectifs d’organisation familiale d’une exploitation.
La mise à disposition au profit d’un GAEC est régie par un dispositif spécifique codifié à l’article L 323-14 du code rural.
D’autres dispositifs non développés ici permettent de mettre à disposition des baux au profit de sociétés d’assolement en commun ou de sociétés à vocation principalement agricole. Ils nécessitent également l’accord préalable du bailleur.
Publié pour la première fois le 26 mai 2016, mis à jour le 17 mars 2021
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Suite à un bail copreneur, ,le tribunal paritaire n a pas accepté que mon épouse devienne associée à ce bail,toute en ayant le statut de conjointe collaboratrice .Ce bail émis par mes parents propriétaires, aujourd’hui décédés.
Ma sœur ne voulant pas exploiter les terres, laisse à disposition de sa belle sœur la parti des terres que son mari exploitaient.
Voulant outre passer la décision du TP,un troisième indivisaire peut il saisir le T P pour résiliation de bail? Ne faut il pas que tous les indivisaires en demande la résiliation !
Merci de m éclairer.
Afin de bien cerner votre situation, pouvez-vous nous apporter quelques précisions ?
A vous lire, il semble que nous ayons de nombreux protagonistes :
– vous et votre épouse que je nommerai M. A et Mme A,
– votre sœur Mme B,
– sa belle-sœur et son mari Mme C et M. C.
– Ainsi que celui que vous nommez « 3e indivisaire » M. D.,
– vos parents défunts.
Est-ce correct ?
Si oui, merci d’indiquer qui est titulaire du bail copreneur, qui est exploitant avant transfert, qui souhaite poursuivre l’exploitation.
Quand vous écrivez « Ma sœur ne voulant pas exploiter les terres, laisse à disposition de sa belle sœur la parti des terres que son mari exploitaient.« , merci d’identifier les personnes citées.
Quel est le lien de parenté entre « le 3e indivisaire » et les autres personnes en cause ?
Bonjour,
Ma famille possède des terrains agricoles(une quinzaine d’hectares) qui font partie d’un bail rural. Ils étaient exploités par mon frère dans le cadre d’un EARL. La bail a été consenti à la SCEA en 1996 devenue EARL.
Je souhaite récupérer 2 hectares pour créer une exploitation maraichère et de production fruitière avec mon beau frère .
En 2019, mon frère a remis l’exploitation a deux jeunes associés qui l’ont immédiatement transformé en GAEC et qui refusent de nous laisser récupérer les 2 hectares dont nous aurions besoin. A aucun moment nous avons été officiellement informé du retrait de mon frère de l’EARL (départ d’un co-preneur? ) ni de la transformation en GAEC. Peut-on invoquer un manquement qui nous permettrait de récupérer la surface indispensable à notre projet ?
Merci
Consulter les titres de propriété pour identifier tous les propriétaires, même et surtout en cas de démembrement de propriété (nue-propriété et usufruitier).
Ensuite, identifier le type d’acte qui a été consenti et qui en est le bénéficiaire. Il peut s’agit :
1. D’un bail rural signé au profit de votre frère qui l’aurait ensuite « mis à disposition », dans un premier temps à la SCEA puis à l’EARL ;
2. Soit d’un bail rural signé au profit de la SCEA, puis de l’EARL, ce qui semble être le cas dans les faits que vous relatez.
Chaque schéma implique un formalisme spécifique.
C’est essentiellement dans le respect des modalités d’information que les propriétaires pourraient, le cas échéant, invoquer un « manquement » et remettre en cause certaines dispositions.
Examinez avec soin ces différents points avec un juriste en droit rural, notaire ou conseiller juridique.
Bonjour,
L’agriculteur qui me loue les terres arrive à la retraite. il à monter une société et veut changer les termes du bail en me proposant de signé un avenant avec sa société qui se substituerait à sa personne physique.
Ai-je le droit de refuser de signé avec sa société?
Merci d’avance pour votre réponse
Cdlt
M Collot
Bonjour,
Le propriétaire est libre de consentir un bail à toute personne de son choix, pour peu qu’elle réponde aux critères et exigences du SDREA (Schéma Départemental Régional des Exploitations Agricoles). Vous avez le droit de ne pas accepter de modification du bail en cours.
On ne « change pas les termes » d’un bail, on le résilie avec signature d’un nouveau bail.
Le bail à une société est généralement déconseillé car il répond à des objectifs patrimoniaux et familiaux très particuliers. Ce qui ne semble pas être le cas dans la situation que vous décrivez.
Le titulaire du bail doit demander la mise à disposition du bail à la société ; dans ce cas il reste titulaire du bail en cours, qui se poursuit.
Mais, au moment de prendre sa retraite, le fermier devra vous demander d’autoriser la cession du bail à son conjoint ou à un descendant ; la signature d’un bail au profit d’une société sous-entend la résiliation du bail en cours. Le propriétaire n’y a pas forcément intérêt.
N’hésitez pas à vous rapprocher d’un notaire de votre secteur en cas de besoin.
Propriétaires d’une parcelle de 10ha, nous sommes 5 enfants et notre mère agée de 95 ans est usufruitière et est aujourd’hui placée en maison de rééducation.
Nous avons consenti un bail à un agriculteur en 1984 suite au décès de notre père, acte édité par le notaire.
L’agriculteur est passé en SCEA depuis janvier 2020. A ce jour nous ne sommes au courant de rien.
A t-il le droit d’inclure cette parcelle dans son apport de droit au bail dans la SCEA sans nous prévenir?
Qu’en est-il du bail? A ce jour nous ne comptons pas lui faire de misère et ne pas lui reprendre ces terres, sauf en cas de vente si notre mère doit être placée, il serait prioritaire bien évidemment. !!!! mais nous nous questionnons.
Nous comptons nous entretenir avec l’agri mais auparavant nous aurions aimé être renseignés.
Merci pour votre réponse.
Bonjour,
Apport de droit au bail et mise à disposition d’un bail à une société sont deux procédures très différentes. L’une comme l’autre répondent à) un formalisme particulier.
Pour reprendre un élément de l’article, « L’apport du droit au bail doit être réalisé selon un formalisme spécifique. …, le preneur devra obtenir l’accord du propriétaire. …« .
Si l’agriculteur, titulaire du bail, règle le fermage avec un chèque personnel, alors il en est titulaire. S’il a mis en place une convention de mise à disposition du bail (pas un apport de droit au bail), il a normalement dû vous en avertir. Le propriétaire ne peut s’y opposer dès lors que le fermier est associé exploitant dans cette société.
enfin, le bail ayant été établi en 1984, il en est dans sa 37e année. Il a peut-être fait l’objet d’une cession de bail à un enfant.
Je suis éleveur de chevaux et enregistre à la chambre d’agriculture avec n’ de Siret
Je loue un herbage à une propriétaire qui ne veut plus mefaire un bail ou un contrat de location. Nous y sommes sur cet herbage depuis octobre 2020 et nous avons remis le bien en ordre de marge construit des box de prairie et réaménager des box existants, et défriche le terrain qui était à l’abandon.
Maintenant que tout est réalisé remis à neuf et après avoir payé tous les mois le loyer la propriétaire veut reprendre son terrain….
Quels sont mes droits le droit au bail est il possible.
Nota le paiement mensuel se faisant par virement.
Merci de votre réponse
Bonjour,
La première chose à faire est de réunir tous les éléments qui prouvent l’accord que vous avez eu avec ce propriétaire. Il semble que cela puisse être caractérisé de « bail verbal », mais il faut l’étayer.
Si vous avez assumé le paiement des impôts fonciers, mais j’en doute vue la date d’entrée dans la parcelle, cela pourrait constituer un élément supplémentaire de preuve.
Dans votre situation, la notion de droit au bail ne s’applique pas, dans la mesure où il ne semble pas y avoir de bail … Cependant, vous prétendez à une indemnisation pour les améliorations du fonds que vous avez apportées à la parcelle.
Là commence la difficulté, il s’agit de prouver que vous avez un accord avec la propriétaire en rassemblant toutes les éléments (y compris des mails, sms, …) permettant d’établir que cette relation entre vous puisse être qualifiée de bail, même de « bail verbal ».
Contactez votre assurance pour savoir si vous disposez d’une assistance juridique, contactez également votre expert-comptable, car certains intègrent une assistance juridique dans leur lettre de mission.