Diversifier est un projet particulier qui comporte plusieurs facettes. Moyens de production, capacités agronomiques, équilibre financier, intégration fiscale et juridique, … Ces questions sont spontanées. Mais AVANT de les aborder, pour gagner du temps, vérifiez l’influence de facteurs extérieurs.

Il s’agit en effet de comprendre le ou les marchés envisagés. Ensuite vérifier que son projet est compatible avec le cadre juridique de ses baux. Enfin, il faut être conscient que la plupart des marchés « classiques » sont liés à des politiques publiques.

Comprendre les marchés et en accepter « les règles »

Rester sur les marchés classiques

Pour de nombreuses activités, la taille de l’exploitation conditionne les volumes. En effet, les productions « de masse » sont généralement intégrées dans une filière. Lait, volailles de chair, le porc, céréales, … dépendent ainsi historiquement d’une organisation collective.

Leurs débouchés sont multiples. Et la concurrence mondiale y est marquée. Les politiques publiques sont perçues comme changeantes ou manquant d’engagement. Les facteurs de réussite sont alors centrés sur la maitrise du coût de production. Donc c’est toute son organisation qu’il faut optimiser.

(Relire notre article « Quelle voie choisir ? »)

Poursuivre la production « classique », c’est :

  • Adopter une posture « industrielle »
  • Travailler ses coûts de production
  • Atteindre une taille critique
  • Accepter la fluctuations des cours, en amortir les conséquences en trésorerie
  • Étudier les partages de moyens
  • Intégrer les réglementations environnementales
  • Rester dans des filières traditionnelles
  • Etre dépendant d’une politique d’aides européennes

Aborder un marché segmenté ou un nouveau marché

Mais une partie de ses productions peut être dédiée à des circuits plus qualifiés. Nous avons évoqué le fait que des marchés tendent à se segmenter et changer d’échelle territoriale. Donc répondre à des besoins spécifiques. Cela concerne aussi bien des blés de qualités spécifiques que des filières « sans OGM ». Mais aussi des filières animales « 100% herbe », des produits avec label, … L’agriculteur est alors acteur de sa filière ; surtout quand il décide de « bousculer » ses pratiques. Ainsi, en adoptant un label de production, en convertissant au BIO, il épouse un idéal collectif.

Aborder un marché segmenté ou un marché nouveau, c’est :

  • Comprendre la filière et ses attentes
  • Contractualiser (volume, qualité, prix)
  • Accepter un cahier des charges de production et ses contraintes
  • Garder sa place à l’agronomie
  • Faire évoluer, « bousculer » ses pratiques
  • Adapter ses bâtiments d’élevage
  • Augmenter la surface allouée à chaque animal

Aller vers le client final

La taille de l’exploitation, sa situation géographique vont peut-être induire une orientation vers le client final. Qu’il y ait transformation ou non, gamme de produits ou pas, regroupement ou pas, les marchés sont locaux, réduits mais n’échappent pas à la nécessité d’une certaine constance.

Transformer et vendre aux particuliers, c’est :

  • Travailler et vendre sur un petit territoire
  • Etre à l’aise avec « l’étiquette » de petit producteur
  • Aimer le contact, partager, écouter
  • Bénéficier d’une image renforcée auprès du consommateur
  • Nouer des alliances (synergie des produits)
  • Etre prêt à élargir sa gamme de produits
  • Utiliser internet, faire de la communication
  • Accepter que le consommateur ait les mêmes attentes qu’en GMS

Le cadre juridique, fiscal, réglementaire, la situation géographique des parcelles avant de développer son projet

Quand l’exploitation est concentrée sur des productions « classiques », tout le cadre fiscal, juridique et réglementaire est adapté à son activité.

Dès que la diversification s’installe, il faut en vérifier la faisabilité.

Exemples

Développer un projet de productions BIO, intégrer une démarche HVE, épandre des composts ou des boues issues de stations d’épuration doit vous inciter à vérifier qu’aucune disposition particulière du bail ne s’y oppose. Par ailleurs, pour développer une boutique dans les locaux d’exploitation il faut avoir obtenu l’accord du propriétaire (outre les démarches liées à un changement de destination et d’usage) .

La situation enclavée de parcelles ou leur proximité avec des habitations ou établissements sensibles, les place sous le champ de plusieurs réglementations environnementales (ZNT riverains notamment). La cohabitation avec les ruraux ne s’invente pas. Le règlement sanitaire département recouvre les questions de l’élagage, du brûlage, des plantes invasives ou l’entretien des terrains. Autant être au clair sur le partage des responsabilités. L’implantation d’un bâtiment d’élevage à proximité d’une zone urbanisée devra satisfaire au règlement d’urbanisme. Idem, si vous envisagez la mise en place de bâtiments « légers », mobil-home ou constructions « durables » ; il faudra vérifier que les matériaux sont autorisés.

Le cadre juridique de l’activité agricole (voir encadré ci-contre) couvre la transformation et la vente des produits issus de l’exploitation. Attention cependant aux achats pour revente si vous souhaitez élargir votre gamme. L’achat-revente de produits est strictement encadré sur le plan fiscal. Le montant ne doit pas dépasser la double limite de 100 000 € TTC et 50% du CA. Ainsi, il convient d’examiner tout développement d’une activité purement commerciale selon ces limites.

La loi sur l’eau devra être consultée pour toute créations de points d’eau, mares, … De même, que les textes relatifs à la GEMAPI (Prévention des inondations) dont les communautés de communes ont la compétence. En effet, la création d’activités de loisirs, en lien avec l’exploitation, peut s’accompagner d’aménagements spécifiques.

Certaines politiques publiques conditionnent le choix pour développer un projet

La définition de la PAC 2015-2020 est : « … orienter les aides agricoles en faveur de l’élevage, de l’emploi, de l’installation de nouveaux agriculteurs, de la performance à la fois économique, environnementale et sociale et des territoires ruraux ». Elle se décline ensuite en politiques environnementales, gestion des espaces et de la forêt, préservation du foncier agricole, agriculture biologique, lutte contre le dépérissement des vignobles, états généraux de l’alimentation, …

La PAC 2021-2027 est en « chantier » ; elle devrait maintenir certains de ses axes actuels. Mais la commission « Environnement, Santé publique et Sécurité Alimentaire » avance ses souhaits, pas toujours compatibles avec ceux de la commission Agriculture et Développement Rural.

La baisse des budgets de la PAC peut inciter à choisir certains de ces axes, quand cela sera possible.

Pour n’en citer que quelques-uns, le BIO dans les cantines ou le renforcement de l’autonomie alimentaire sont des pistes à explorer.

Avant de développer son projet, être au clair avec son « cadre de références »

Pour aller sur un marché, il faut en accepter les règles, les avantages et les contraintes. C’est aussi connaître sa capacité à communiquer, à comprendre les clients. Au final, il est primordial de se connaître et être au clair avec ce que l’on « accepte » de faire ou ce que l’on refuse. Par exemple, est-ce que vendre en GMS est compatible avec l’image que je me fais de mon produit et les valeurs de mon territoire ? Pourquoi vendre sur internet si je considère que je perds le contact avec le consommateur final ? … Le positionnement sur un marché entraîne des conséquences particulières en termes d’investissements, d’organisation, d’acquisition de nouvelles compétences.

Il faut se faire épauler pour mettre cela au clair, par un entretien avec une personne de confiance. Consultez nos propositions à ce sujet.