Pourquoi un agrandissement est-il regardé de près par le contrôle des structures et la SAFER ?

Le foncier fait l’objet d’une attention particulière sur le plan réglementaire. C’est un héritage du passé qui reflète la vocation première de la terre agricole (1).

C’est aussi la traduction d’une volonté et d’un attachement particulier des agriculteurs et des propriétaires. Volonté reprise par les pouvoirs publics dans les textes qui régissent l’agrandissement, notamment.

La réglementation foncière en France

En premier lieu, le candidat à l’agrandissement aura défini l’organisation juridique de son exploitation. Les incidences seront différentes selon que l’on exploite à titre individuel, en couple, en société avec un ou plusieurs associés, en présence ou pas de nouveaux installés…

Par ailleurs, les institutions examineront les conséquences sur l’exploitation « cédée ».

Le candidat à l’agrandissement devra donc s’assurer de la faisabilité réglementaire de la reprise à bail ou de l’achat.

Qui peut intervenir lors d’un agrandissement et dans quel cadre réglementaire ?

Ce sont essentiellement deux instances qui peuvent « intervenir ».

En cas d’agrandissement, avec ou sans achat, le candidat devra tout d’abord obtenir l’autorisation d’exploiter. C’est la commission anciennement connue sous le nom de « CDOA » ou « Contrôle des structures » qui statue sur cette demande.

Depuis 2016, le schéma départemental est remplacé par un schéma régional (SDREA : Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles). Il définit un seuil de surface et établit l’ordre des priorités. Il fixe aussi les critères pour apprécier la dimension économique, la viabilité des exploitations ou encore les agrandissements ou concentrations excessifs.

En cas de rachat de terres, objets de l’agrandissement, la SAFER est susceptible d’intervenir. En effet, les notaires transmettent aux Safer les projets de vente agricoles et forestières.

Elle examinera en particulier si les terres objets de la vente, répondent à l’une de ses missions. La première étant de dynamiser l’agriculture par l’installation de jeunes, la restructuration ou l’agrandissement. La seconde responsabilité des SAFER est d’accompagner le développement local en apportant une solution foncière lors de projets économiques ou d’infrastructures.

Quelles sont les opérations sujettes à intervention ?

Le contrôle des structures

Ce contrôle s’applique à des opérations qui sont susceptibles de faire varier le ratio « surface / exploitant ». Ainsi, sont concernées (liste non exhaustive) :

  • Création d’un atelier hors-sol ;
  • Reprise à bail de parcelles portant la surface totale au-delà du seuil fixé par le SDREA (110 ha en région CVdL, 96 ha en région BFC) ;
  • Retrait d’un associé exploitant (sous condition) ;
  • Apport d’une exploitation individuelle ou d’une société, à une société ;
  • Opération qui aboutit à priver une exploitation d’un bâtiment essentiel ;
  • Entrée ou présence d’un associé ne répondant pas à la capacité professionnelle ;
  • Opération aboutissant à réduire la superficie d’une exploitation en deçà du seuil du SDREA ;
  • Agrandissement réalisé par un pluriactif dont les revenus non agricoles dépassent 3 120 fois le smic (sauf cas des installations progressives) ;
  • Opérations portant sur des parcelles situées au-delà d’une distance fixée par le SDREA (10 km en Bourgogne Franche Comté et en Centre Val de Loire) ;
  • Réunion ou agrandissement d’exploitations ne comportant aucun membre exploitant ;
  • Installation d’un nouvel agriculteur sans limite de superficie ;

L’intervention de la SAFER

Son intervention est majoritairement amiable (dans près de 90% des situations). Pour les autres interventions, les SAFER utilisent le « droit de préemption » conformément aux objectifs définis par la loi.

La SAFER n’interviendra que si elle a en vue une opération répondant à son objet. En cas d’aménagement ou de projet local, elle constituera alors une réserve foncière. Ce sera également le cas si un agriculteur est évincé de son exploitation suite à une DUP (déclaration d’utilité publique).

Opérations pouvant être menées sans intervention extérieure

Structures agricoles

De très nombreuses opérations ne nécessitent aucune demande préalable. Il s’agit en particulier des opérations sans augmentation du ratio « Surface / membre exploitant ».

Ce sera, notamment :

  • Entrée d’un associé exploitant (qui satisfait aux conditions de diplôme et de capacité professionnelle) ;
  • Constitution d’une société sans variation de surface, avec un associé exploitant ou non ;
  • Transformation d’une exploitation individuelle en société uni personnelle ;
  • Retrait d’associé (sous condition) ;
  • Fusion de deux exploitations individuelles entre conjoints (mariés ou pacsés) ;
  • Modification du capital social ;
  • Associé non-exploitant (ANE) devenant exploitant ;

Cas particulier

Lorsqu’un agriculteur reçoit un avis favorable pour une rétrocession SAFER, cet avis vaut autorisation préalable d’exploiter.

La SAFER intervient dans un cadre réglementaire précis

Le droit de préemption ne s’applique pas en cas d’achat par le fermier en place.

Il ne s’applique pas non plus sur les parcelles à bâtir avec engagement de construire. De plus, la SAFER n’intervient pas non plus pour la plupart des ventes de forêts.

Cas particulier

« La SAFER n’a pas tous les droits ». En effet, elle ne peut pas préempter l’ensemble des biens d’une propriété mise en vente dès lors qu’au moins un des biens n’est pas concerné par le droit de préemption. C’est le cas en particulier quand le « lot » comprend des terres ou prés, une maison d’habitation ou un terrain constructible. Ces deux derniers échappent à la préemption.

Conclusion, l’agrandissement reste une opération très réglementée

En résumé, les opérations qui concernent l’un des critères suivants, agrandissement, réduction de surface de l’exploitation d’origine, membre non exploitant, parcelles éloignées du siège d’exploitation, capacité professionnelle, … sont potentiellement concernées par une démarche de type « contrôle des structures ».

Les situations dans lesquelles la SAFER interviendra sont rares, dans la mesure où la majorité des ventes sont réalisées au profit du fermier en place.

Malgré tout et pour mettre tous les atouts de son côté, un inventaire attentif est nécessaire avant de s’engager. En effet, de nouveaux critères sont progressivement intégrés pour apprécier les opérations soumises à autorisation préalable. Il s’agit par exemple de la création d’emploi ou de la participation effective des associés… Il s’agit aussi de maîtriser le mode d’appréciation des instances concernées. Ainsi, lors d’un projet d’agrandissement, « Patience est mère de sûreté… ».

(1) Le contrôle des structures prend ses racines en 1946, lorsque l’État restitue les terres qui avaient été réquisitionnées pour implanter des pâtures pour engraisser du bétail. Elle évolue en 1949 avec la volonté de favoriser l’installation de ménages. La réglementation des cumuls se structure véritablement en 1960, dans la LOA.