Dans une conjoncture incertaine, des exploitants agricoles se voient dans l’obligation d’envisager un plan de cession de l’exploitation agricole ; qu’en est-il de l’attribution du bail rural ?

(publié pour la première fois le 20 mars 2017)

Principe

Un plan de cession d’exploitation agricole peut prendre plusieurs formes ; sauvegarde, redressement et/ou liquidation judiciaire. Le prononcé de la liquidation judiciaire de l’exploitation agricole n’a pas pour effet d’arrêter l’activité ni de résilier automatiquement tous les baux ruraux [1]. Selon l’article L642-1 du Code de Commerce, le bail fait l’objet de dispositions spéciales en cas de liquidation judiciaire. Il convient de les combiner avec les règles applicables au statut des baux ruraux.

Règle applicable au bail rural

Par principe, le bail rural a un caractère personnel et incessible. Cependant, pendant une procédure collective, l’autorité administrative écarte ces règles. Par dérogation [2], il est possible d’organiser la cession du bail dans le cas où l’exploitation agricole est essentiellement constituée du droit au bail rural.

L’autorité judiciaire apprécie le caractère « essentiel » en fonction de son intérêt au regard de la finalité de la production agricole. Il appartient au Juge de l’adapter à chaque cas d’espèce.

Principes d’attribution du droit au bail rural

Une fois le caractère « essentiel » du bail déterminé, le Tribunal [3] ordonne la cession, suivant l’ordre préférentiel suivant :

  • Faire droit à une demande de reprise par le bailleur, son conjoint ou l’un de ses descendants pour l’exploiter ;
  • S’il n’y a pas de demande de reprise, attribuer le bail à un autre repreneur proposé par le bailleur. Si le bailleur a alors réalisé une telle proposition, le Tribunal doit l’accepter. Cette hypothèse n’est applicable que si le bailleur lui-même ne souhaite pas exercer la reprise ;
  • Ou bien à défaut des solutions précédentes, attribuer le bail à tout autre repreneur dont l’offre aura été recueillie par le liquidateur dans les conditions prévues par le Code de Commerce afin d’assurer l’emploi attaché à l’ensemble cédé et au paiement des créanciers.

Toutefois, en présence de plusieurs offres, le Tribunal tient compte des priorités du Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles.

Les effets

On notera que, dans les attributions ci-dessus mentionnées, les dispositions relatives au contrôle des structures ne s’appliquent pas. De ce fait, l’exploitant n’a pas à solliciter de demande d’autorisation d’exploiter. Une fois le bail rural attribué, les dispositions du statut du fermage ne trouvent pas à s’appliquer sauf en ce qui concerne le régime des indemnités au preneur sortant [4].

Ainsi, l’attribution du droit au bail rural par le Tribunal déroge en quasi-totalité à l’application du statut des baux ruraux.

Notre analyse

Les dispositions dérogatoires au statut du fermage et au contrôle des structures qui permettent au Juge d’imposer au propriétaire du bien un repreneur qu’il n’a pas choisi ne peuvent pas jouer dans le cas où l’autorité ne reconnait pas le caractère essentiel du droit au bail rural.

De ce fait, si vous vous trouvez en procédure collective ou si un plan de cession vous est proposé, il faut estimer les conséquences de chaque phase et solliciter un accompagnement spécifique pour ces réflexions et ces démarches.

Ch. BERNERON, juriste en droit rural, Cerfrance Alliance Centre, mars 2017

[1] Article L641-12 du Code de Commerce
[2] La loi n°88-1202 du 30 décembre 1988
[3] Tribunal de Grande Instance
[4] Article L411-72 du Code Rural