L’agriculture fait de nouveau partie des préoccupations de nos concitoyens. Longtemps, ils ont calqué leur attitude sur une vision « familiale » et traditionnelle. Aujourd’hui, la tendance est à la recherche « du sens » en intégrant protection de la nature et de la santé. Quelle voie choisir ?
Ces éléments se mêlent (l’irrationnel y est parfois présent) et en feraient perdre la mission première de notre agriculture.
Quoi qu’il en soit, cette aspiration de la société rejoint progressivement celle des agriculteurs eux-mêmes, particulièrement la tranche des « moins de 40 ans ». Las de constater (de subir) un défaut d’image de leur métier et de leur vocation, ils réagissent par plus de communication, surtout ceux qui choisissent d’être en contact direct avec le consommateur.
Avec la crise sanitaire, les consommateurs se sont davantage tournés vers les commerces de proximité. Des agriculteurs ont pu ainsi développer la vente directe.
L’avenir n’est-il que dans la vente directe ?
L’agriculture française est aussi diverse que ses régions. Dans le bassin parisien, marqué par la production industrielle, la question du développement par la taille est posée. Dans la périphérie des villes, on s’interroge sur l’opportunité de créer des points de vente sur l’exploitation.
Ce sont deux visions qui ont chacune leur place et leur logique et elles ne s’opposent pas ; quelques fois, elles peuvent se compléter.
Choisir sa « voie » entre plusieurs modèles
Un autre critère entre dans l’équation, celui de la transition énergétique. La production de biomasse, à tort ou à raison, « doit » être une des missions de l’agriculture. De ce fait, le « citoyen » peut en admettre le caractère industriel. Mais l’agriculteur doit adopter une logique de réduction de ses consommations (eau, énergie, intrants) et donc de ses coûts.
Quel équilibre !
Ailleurs, l’agriculteur de taille moyenne, isolé dans son village, fait face à un dilemme. Le « local » s’affirme comme une valeur porteuse de sens pour le consommateur. De fait, le comportement des consommateurs durant le printemps 2020 en a encore été la preuve. Malgré cela, il lui est parfois difficile de sortir d’un certain isolement. Les réseaux sociaux démultiplient les avis, bons comme moins bons. A terme, cet « outil » peut trouver sa place dans la stratégie de développement. Surtout parce que le consommateur considère que le « local » est un critère qui détermine son choix.
Pour développer la marge, faut-il provoquer sa propre mutation ?
L’Union européenne s’éloigne de plus en plus des mécanismes de protection et de régulation du marché intérieur. La profession agricole craint que cela ne mène à une politique plus libérale qui conditionnerait les aides à des considérations d’ordre sociétal.
C’est une possibilité, surtout quand on considère la diversité des points de vue au sein de l’UE.
Quoi qu’il en soit, l’agriculture connait des transformations profondes. Et les agriculteurs, comme dans l’industrie, vont devoir définir leur stratégie, davantage par rapport à eux, leur(s) marché(s), leur potentiel,… plus que par rapport à des politiques publiques. Ces politiques n’étant plus toujours le reflet de leurs aspirations.
Faire reposer ses choix sur un inventaire de l’existant
Une stratégie découle d’une analyse de son exploitation et de ses aspirations. Le plus important est de s’interroger sur ses propres valeurs. Qu’est-ce que j’accepte de faire ? Quelle part de liberté suis-je prêt à concéder ? Sur quel(s) marché(s) ai-je envie d’évoluer ? Quelle est ma dépendance aux aides et donc aux politiques publiques ?
On liste ensuite ce qui relève du « système interne » ; mon exploitation, son potentiel, ses performances, ses capacités financières, …
Puis, on examine l’ensemble des facteurs « externes ». Il s’agit de la localisation géographique, du milieu local, des politiques publiques, des marchés, …
En combinant ces éléments, on arrive à déterminer trois leviers d’action pour structurer son exploitation.
L’agriculteur agit sur plusieurs leviers et « choisit son terrain »
Le chef d’exploitation sait que ses débouchés connaissent des évolutions tous les 4, 5 ou 10 ans. Il reste attentif pour garder sa capacité à modifier ses options en fonction du contexte.
Définir une « logique », une stratégie, un projet, c’est se fixer un cap. Chacun a conscience que les « vents peuvent être contraires ».
Ajuster volumes et performances pour améliorer sa compétitivité, la voie classique
C’est adopter une attitude qui s’inspire de l’industrie. Cela peut même aller jusqu’à ouvrir le capital de l’exploitation. En connaissant ses coûts de production, on cherche à produire des volumes supplémentaires au « coût marginal ». Cette évolution intègre largement les objets connectés et les « robots ». Elle repose aussi sur une exigence d’organisation du travail ; un examen de toutes les formes de partage est nécessaire.
On produit des volumes sur des créneaux « standards » et fortement concurrentiels. En même temps, l’agriculteur est confronté à une politique publique qui privilégie l’environnement et le libéralisme économique.
Adapter une de ses productions à un marché plus segmenté, voie de différenciation
Il s’agit de filières avec signe de reconnaissance. Ce sont par exemple, les contrats « blés pour buns », orges de brasseries, filières « 100% herbe », « sans OGM » ou HVE, …
L’agriculteur s’implique dans la chaîne de valeur et contractualise tout ou partie de sa production. En contrepartie, il accepte des contraintes de production qui deviendront autant d’atouts différenciant.
C’est le cas, par exemple, de laits « pâturage », d’une viande de porc « sans OGM », de volailles « standards dédiées au marché français », de blé améliorants, …
On garde une forte pression sur les coûts de production avec une logique volume/prix. On respecte un cahier des charges sans nuire à la compétitivité, …
Bousculer ses pratiques, décloisonner ses productions pour aborder des marchés nouveaux
On adapte tout son système de production en s’inscrivant dans logique de filière, plus ou moins différenciée. On revoit ses pratiques, mais sur la base de l’existant.
En production animale, c’est par exemple relever le défi du bien-être. Cela peut aussi se concrétiser par un objectif d’autonomie alimentaire. Ailleurs, c’est valoriser et préserver la ressource en eau. C’est également s’inscrire dans la perspective de la transition énergétique nationale. Enfin, l’agronomie reprend ses droits avec la prise en compte de la vie du sol et du taux de matière organique, … C’est la logique de « l’agriculture de conservation » et du « BIO » qui concerne alors toute l’exploitation. C’est aussi « l’agro pastoralisme » dans certaines régions, l’agro foresterie. Et encore les productions « label » et AOC.
Aller vers le client final avec une « vraie » différenciation
L’engagement vers le consommateur est très marqué dans cette logique. Les marchés sont locaux, voire réduits, mais ont aussi des exigences de constance d’approvisionnement (volumes réguliers, qualité homogène, gamme, …).
Ainsi, pour accroître la valeur ajoutée, l’exploitant transforme sa production, valorise son image, vend en direct ou en circuit court, utilise Internet… Il diversifie son assolement et augmente son potentiel agronomique.
La fabrication de farines de blé, de pois, de féveroles, les huiles de noix, de colza ou de tournesol. Les viandes « veau sous la mère », les salaisons de « … ».
Choisir sa « voie », un choix qui combine le potentiel local et les aspirations personnelles
Au final, le choix repose sur les réponses à cette question :
Que puis-je faire pour répondre au marché que je choisis, ou sur lequel je choisis d’évoluer, avec ce que j’ai, là où je suis, avec les contraintes réglementaires qui sont les miennes ?
Les organisations professionnelles agricoles ont mené des études conjointes depuis 2017. Ce sont FNSEA Centre VdL, CERFRANCE, la Chambre régionale d’agriculture, AS conseil, Crédit Agricole et Arvalis. Ce programme d’étude porte le nom de « CAP Filière 2025 ».
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