Le contexte économique et la moindre rentabilité des exploitations devraient inciter à envisager les regroupements de moyens et le partage du travail. Or, le phénomène reste limité car les facteurs humains et financiers entrent dans la décision. Quoi qu’il en soit, explorons les modalités d’un partage que ce soit sur le matériel, les salariés, les installations, …

1ère partie : Organiser, sécuriser, pérenniser ses relations

De nombreuses formes de partage de la « main d’œuvre » et du travail existent, mais toutes ne peuvent pas s’appliquer durablement en agriculture. Et toutes ne répondent pas aux mêmes besoins.

1. La mise en commun du travail des exploitants

Par exemple, le bénévolat n’a pas vraiment sa place, au contraire du coup de main qui est spontané, non rémunéré et occasionnel. Vous devrez penser malgré tout à vérifier que la personne est assurée pour des activités extra professionnelles, à plus forte raison si elle est retraitée. Le mieux est encore de souscrire une garantie « accidents corporels des aides bénévoles ».

Le retraité peut, légitimement, venir aider son fils ou son épouse à qui il a transmis l’exploitation. Mais cela doit rester limité (1) de manière à être considéré comme une « transmission du savoir ». Ainsi, cela ne remettra pas en cause le versement de sa retraite.

Le code rural définit l’entraide et l’entraide familiale. Elles reposent sur un échange de services et de moyens entre des agriculteurs. L’entraide est donc un échange entre deux exploitants. Cela peut s’apparenter à un troc de prestations ou de services. On échange des heures de broyeur contre le prêt d’une remorque par exemple. Le principe est de comptabiliser la nature et la durée des « prêts » pour, à la fin de l’année, en faire le bilan et effectuer une éventuelle compensation.

Le salarié d’une exploitation peut intervenir chez un voisin dans le cadre de l’entraide. En effet, le « service » peut être rendu par l’exploitant lui-même, un membre de sa famille qui participe à l’exploitation d’une manière habituelle ou encore le salarié.

Service de remplacement et cercle d’échange

Les services de remplacement fonctionnent sur la philosophie de l’entraide. Par principe, ils ont pour vocation de compenser l’absence du chef d’exploitation. Les remplacements sont donc courts. Ils peuvent être assurés par des agriculteurs, adhérents de la structure, mais aussi par tel ou tel de leurs salariés. Il y a quatre motifs de remplacement généralement retenus. Ce sont la formation, l’exercice de mandats professionnels, la maladie/accident et les congés.

Les cercles d’échange (CE) procèdent d’une démarche plus large. Ils couplent partage de matériels et du travail. Ils ont vu le jour à la fin des années 1980. En effet, à l’origine, l’objectif était d’aider les agriculteurs à optimiser leurs charges de mécanisation. Par la suite, leur action s’est élargie à l’emploi et à la prévention. Au contraire d’un service de remplacement, le CE peut répondre à un besoin ponctuel ou un accroissement temporaire d’activité.

2. Le partage durable d’un salarié

Le prêt de main d’œuvre existe depuis 2015. Cette forme de mutualisation a pour but d’améliorer la qualification de son personnel, de favoriser la mobilité et/ou de conforter un partenariat d’intérêt commun. Tel que défini dans la loi (2), le prêt de main d’œuvre est gratuit (par opposition à « but lucratif »). L’employeur effectue un détachement du salarié dans une autre exploitation à laquelle il facturera le coût direct des salaires et charges. Cette forme se rencontre quelques fois en cas de maladie ou d’accident du chef d’exploitation ; la solidarité s’organise pour que ses travaux soient faits dans les temps.

L’embauche partagée est la forme la plus simple à mettre en place. En effet, le salarié aura autant de contrats de travail et de fiches de paie que d’employeurs. Dans la pratique, c’est souvent limité à deux. Le temps de travail et le lieu de travail sont des éléments du contrat. Il faut mettre en place, non pas un planning, mais un calendrier des présences avec la possibilité d’y déroger. En effet, il est important que, en cas d’accident, le salarié soit sur le lieu de travail, tel que défini dans son contrat.

L’embauche à temps partagé est mise en place par le biais d’une entreprise tierce, appelée entreprise de travail à temps partagé (ETTP). Cela consiste à recruter un salarié par le biais d’un groupement d’employeurs (GE ou CUMA). Si vous devenez « client » d’une telle structure, celle-ci peut mettre à votre disposition un salarié, à temps partiel ou à temps complet. On est adhérent d’un GE ou sociétaire d’une CUMA.

Le groupement d’employeurs (GE) est une structure juridique créée par des entreprises d’un même secteur géographique. Le groupement embauche les salariés puis les mettra à disposition des exploitations adhérentes. La mise à disposition dépend de leurs besoins. A la différence d’une entreprise de travail temporaire, le groupement adopte les « codes » de « l’association Loi 1901 » car, au-delà de la gestion des hommes et de l’entraide, elle ne recherche pas les bénéfices.

Le GE paie donc les salaires et les charges. Il facture la rémunération aux entreprises. Le montant facturé comprend une majoration pour couvrir les frais de fonctionnement du GE. L’utilisateur est responsable des conditions d’exécution du travail (durée du travail, hygiène, sécurité…). D’un point de vue fiscal, le GE est « neutre ».

Cas particulier du personnel des CUMA

La CUMA est un groupement d’employeurs à part entière. Elle n’est plus limitée à fournir uniquement des prestations de travail (chauffeur et matériels). Ainsi, depuis 2016 (3), les salariés d’une CUMA peuvent travailler à 100% sur les exploitations des adhérents.

Cas particulier, le contrat d’usage ou « contrat d’extra »

Il permet à une entreprise d’embaucher pour répondre à un besoin ponctuel. Le salarié, embauché en « CDD d’usage », effectuera une tâche précise et temporaire (quelques heures à plusieurs journées). Seuls certains secteurs d’activité bien précis peuvent souscrire ce type de contrat. Dans les activités « du vivant », seules les exploitations forestières peuvent y avoir recours. Les secteurs autorisés sont ceux dans lesquels il est de coutume et légal de recourir à des CDD. Cela s’explique par le rythme de leur activité.

Attention

Un contrat d’extra n’est pas un contrat à temps partiel. Un salarié qui vient chaque semaine pour quelques heures dans l’entreprise est un salarié à temps partiel, pas un extra …

3. Le partage du travail, une approche globale

Les formes de partage de « la force de travail »sont nombreuses. Elles répondent toutes à un même besoin d’optimisation. Bien sûr, les avantages et contraintes qui en découlent sont différents. L’exploitant qui y a recours gagne en sécurité ou assume une charge plus ajustée à ses capacités financières. Selon le cas, il se « décharge » de plusieurs démarches car le GE ou la CUMA sont employeurs et gèrent contrats et fiches de paie.

Avant de choisir, faites l’inventaire des avantages que vous attendez. Ce sont par exemple, économie, réactivité, compétences, simplification administrative (4) ou sociale. C’est aussi se libérer de la recherche et du recrutement, équilibrer son temps de travail, avoir l’assurance de disposer d’une aide lors des pics de travail ou encore disposer d’un « médiateur » en cas de souci avec un salarié.

Une approche complète est bien sûr nécessaire avant d’aborder le recrutement. Vous devrez intégrer autant les facteurs humains que les aspects réglementaires.

  1. Quelques heures par semaine, même si cela est régulier
  2. Loi travail d’août 2016
  3. Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative
    à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 33, Jo du 23
  4. Certains groupements proposent en effet une aide pour la rédaction et la mise à jour du Document Unique (DU).