Le décès de l’exploitant d’une entreprise rendra celle-ci plus fragile ; que va-t-elle devenir ? Y aura-t-il poursuite simple ou après agrément, tout dépend du contexte et de la forme juridique.

Les conséquences étant parfois difficiles à gérer, et parfois coûteuses, il faudra s’interroger sur le bienfondé de prendre des dispositions en anticipant (rédiger un testament, mettre en place un pacte Dutreil, adopter des dispositions statutaires, …).

Conséquences patrimoniales selon la forme juridique

Tout d’abord, les conséquences diffèrent selon la forme juridique, individuel ou société. Dans le premier cas, l’entreprise « tombe » en indivision entre tous les héritiers. Ils devront décider de la poursuite ou non de l’activité.

En société, les héritiers reçoivent des parts en indivision. La société poursuit son activité, mais l’entrée d’un nouvel associé sera soumise à plusieurs conditions selon le secteur d’activité. Agrément d’un nouvel associé par les autres, capacité professionnelle, taille de la structure (agriculture), …

Conséquences qui découlent de l’identité des héritiers et de certaines dispositions antérieures

Pour protéger les siens, on peut prévoir diverses dispositions, tant sur le plan professionnel que purement privé. Les « outils » sont particulièrement le « mandat à effet posthume » et le « mandat de protection future ». Ce sont des dispositions utiles en situation d’héritiers mineurs et/ou d’héritiers majeurs reconnus incapables. Il en va de leur protection. Cela leur permet d’atteindre les compétences et l’âge (1) pour reprendre eux-mêmes, s’ils le souhaitent, l’entreprise. Ce type de dispositions permet, par exemple, de dissocier la propriété des parts et le droit de vote).

Parmi les dispositions patrimoniales le plus courantes, il y a les donations en pleine propriété ou avec démembrement, une donation entre époux (dite « au dernier vivant »), l’instauration d’un « Pacte Dutreil » portant sur les parts, les baux à long terme sur les terres agricoles, …

  • un mineur et un majeur incapable ne pourra jamais avoir la qualité de commerçant, ni d’agriculteur.

Incidences de l’identité du défunt et du régime matrimonial

En entreprise individuelle, il y aurait poursuite de l’entreprise si elle faisait partie de la communauté. C’est le cas dans la plupart des régimes matrimoniaux :

  • Communauté réduite aux acquêts ;
  • Séparation de biens avec participation aux acquêts ;
  • Communauté universelle.

Et, comme en société, il faudra forcément faire un arrêté des comptes pour déterminer la valeur de l’actif professionnel, la valeur de parts, le montant du compte d’associé et celui des dettes et créances… La gestion diffère cependant selon que le défunt était associé non exploitant (ANE) et non gérant ou associé exploitant ou encore seulement gérant. Ainsi, en GAEC (Groupement agricole composé uniquement d’exploitants), le décès d’un associé peut remettre en cause l’équilibre et surtout les droits ; les associés devront régulariser la situation dans les 12 mois qui suivent.

Pour préserver l’avenir de l’entreprise

Le décès de l’exploitant agricole peut remettre en cause la perception des aides de la PAC avec la notion « d’agriculteur actif ». Cet aspect sera alors pris en compte avec un grand intérêt.

Noter que les aides PAC en instance de paiement au moment du décès de l’exploitant (EI), seront bloquées par l’ASP

De même, lors du décès, les assurances souscrites pour chaque emprunt peuvent verser une somme qui rembourse le capital restant dû. Avantage en trésorerie, impact parfois énorme sur le résultat. D’où, quelques fois, la souscription d’une assurance pour « risque fiscal ».

Toujours pour assurer l’avenir, examinons la situation du compte courant d’associé (CCA) que le défunt pouvait posséder dans la société. C’est un actif de la succession et, à ce titre, il peut se trouver « bloqué » le temps de liquider la succession. Si un héritier entre dans la société, il peut être opportun d’ouvrir un CCA au nom de l’indivision ou du conjoint qui entrerait dans la société. Une disposition peut consister à bloquer tout ou partie du CCA ; impact immédiat, empêcher la sortie de liquidité en cas de décès et donc préserver la trésorerie de la société. Mais attention à l’équité vis-à-vis des héritiers potentiels.

Marié ou pacsé, les conséquences

Le PACS prend fin au moment du décès d’un des partenaires. Il faut donc réfléchir en amont à la protection du survivant en prenant en compte les droits attachés au PACS.

En l’absence de testament, le partenaire n’est pas héritier des biens de son partenaires.

En revanche, il dispose d’un droit temporaire sur le logement.

Si le logement est une copropriété, le survivant, héritier indivisaire, peut en demander l’attribution prioritaire si cette disposition était contenue dans un testament.

Chaque partenaire Pacsé est propriétaire de ses biens acquis avant et pendant le régime. Sans disposition, le partenaire n’hérite de rien. En revanche, si les partenaires ont opté pour « l’indivision des acquêts », les biens acquis sous le régime sont la propriété des deux, chacun pour moitié.

Les aspects fiscaux liés au décès

Ils sont de plusieurs natures. D’abord un résultat exceptionnel qui naitrait du remboursement des emprunt (pris en charge par l’ADI).

L’année du décès, on déposera deux déclarations de revenus ; la première du 1er janvier jusqu’au jour du décès. La seconde, depuis le jour du décès jusqu’au 31 décembre.

La durée d’exercice de l’activité, dans sa forme juridique du moment, aura une incidence sur l’imposition ou non des éventuelles plus-values, bien sûr sous conditions de niveau du CA. Plusieurs dispositifs existent qui peuvent être étudiés pour atténuer l’impact fiscal ; il y a, comme indiqué plus haut, l’activation des dispositions du Pacte Dutreil, s’il a été mis en place.

Le défunt peut avoir opté pour la moyenne triennale. Il faudra gérer les conséquences de cette option. Quoiqu’il en soit, l’affectation du résultat au prorata des droits (et prorata temporis) va permettre de calculer l’impôt qui constituera un passif de la succession.

En cas d’activation de l’article 41 du CGI, la transmission à titre gratuit de l’exploitation bénéficiera d’une exonération.

Anticiper est encore la meilleure façon de ne pas créer de situation trop délicate

On le voit, sans être exhaustif, ce panorama souligne l’importance de l’anticipation. On peut en effet adopter des mesures de différentes natures, testamentaires, statutaires ou contractuelles.

Avec le testament, on « flèche » le devenir de l’entreprise.

Dans les sociétés il est bon de se poser la question des dispositions statutaires, pour éviter le blocage de décision.

Les mesures d’ordre contractuel concernent un autre niveau de détail avec le mandat à effet posthume et le mandat de protection future. L’un et l’autre permettent de désigner par qui, comment et pour qui l’entreprise sera administrée. Le sort des héritiers est examiné avec attention.