Dans le cadre de la loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, les dispositions relatives au renforcement des pouvoirs de la SAFER avaient été considérées comme « cavalières » – c’est-à-dire sans lien avec le projet de loi – et avaient donc été censurées.
Avec la loi de lutte contre l’accaparement des terres agricoles n°2017-348 du 20 mars 2017 de nouvelles prérogatives ont été données aux SAFER. Cette loi a été que partiellement validée par le Conseil Constitutionnel.
La principale nouveauté et singularité consiste dans une obligation faite aux sociétés de rétrocéder les biens préemptables acquis à une autre société dédiée au foncier. Ainsi une société qui deviendrait propriétaire de terres agricoles d’une surface excédant le seuil du contrôle des structures, serait obligée de les rétrocéder à une société dont l’objet principal est la propriété agricole.
Cette obligation ne s’applique pas aux GAEC et EARL qui pourront donc continuer à acquérir le foncier exploité. En revanche, il faudra être vigilant dans les projets d’acquisition foncière par une SCEA. En effet, le mécanisme peut aboutir à une double mutation :
- une première au profit de la SCEA
- puis une deuxième de la SCEA vers la société foncière dédiée.
Compte tenu de l’impact financier de cette double opération, il paraît préférable d’éviter de se trouver dans le champ d’application de cette mesure.
Cette mesure comporte par ailleurs des difficultés d’application compte tenu de son imprécision sur la mise en œuvre de cette obligation de rétrocession.
Par ailleurs, la loi complète un autre dispositif déjà existant : l’apport ou l’échange sous condition suspensive de non préemption de la SAFER. Cela consiste à notifier à la SAFER un projet d’apport à une société ou d’échange en lui indiquant que si elle décide de préempter, on ne réalisera pas l’opération. C’est le seul cas où il est possible de renoncer à l’opération si la SAFER souhaite préempter.
A l’inverse, il n’est pas possible de retirer un bien de la vente si la SAFER a indiqué qu’elle exerçait son droit de préemption.
Le cas particulier de l’apport est désormais plus encadré : la loi de lutte contre l’accaparement des terres agricoles oblige l’apporteur à conserver les parts reçues en contrepartie de l’apport de bien préemptable pendant 5 ans.
La loi apporte un début de réponse aux difficultés techniques engendrées par le droit de préemption dont bénéficie la SAFER en cas de cession de la totalité des parts de sociétés dont l’objet est l’exploitation ou la propriété agricole. En effet, par ce droit de préemption la SAFER peut devenir associée de sociétés qui ne peuvent pas, en principe, contenir des associés personnes morales : GFA, EARL, GAEC. En effet, ces sociétés sont des sociétés régies par des textes spécifiques prévoyant qu’elles sont composées exclusivement de personnes physiques.
Cette nouvelle loi prévoit que les SAFER peuvent être, de manière dérogatoire, associées de ces sociétés pendant 5 ans.
L’article instaurant un droit de préemption aux SAFER en cas de cession partielle de parts de sociétés dont l’objet principal est la propriété agricole a de nouveau été censuré par le conseil constitutionnel. Les SAFER n’ont pas de droit de préemption en cas de cession partielle pour le moment…
Même si toutes les dispositions de la loi n’ont pas été validées, les dispositions applicables viennent s’ajouter aux autres réformes encore récentes intégrées par la loi d’avenir en 2014 et la loi Macron de 2015. Depuis 2014, le paysage a réellement été chamboulé.
P. MORCHOISNE, juriste Cerfrance Alliance Centre
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