La volatilité des cours est d’actualité. La fluctuation des marchés n’est pourtant pas une fatalité ; la parfaite connaissance de ses prix d’équilibre permet aujourd’hui à l’agriculteur de décider du moment opportun pour déclencher ses ventes.
Pour preuve, sur la base d’un prix d’équilibre du blé tendre de 175 €/t pour la récolte 2014, les cours proposés n’ont permis d’atteindre ce niveau que sur une période cumulée de 5 mois sur les 20 derniers mois.
Par définition, le prix d’équilibre correspond au prix auquel il faut vendre sa production pour couvrir l’ensemble des besoins de trésorerie de la campagne, avec notamment les remboursements d’annuités, les autofinancements prévus et les prélèvements privés. Les aides et indemnités de l’exploitation sont déduites des besoins de trésorerie. Il permet de confronter les données de l’exploitation aux prix de vente réalisés et/ou aux cours du marché.
Mon exploitation est-elle en phase avec le marché ?
Le calcul des prix d’équilibre doit être réalisé en amont de la récolte sur la base de rendements moyens ou du potentiel estimé. Il sera ensuite actualisé en fonction de l’évolution de ses composantes (rendement réel, réparation non prévue, …).
La connaissance de ses prix d’équilibre a donc pour objectif d’aider à décider et déclencher des ventes mais également d’identifier et répercuter les marges déficitaires sur certaines cultures, raisonner les investissements et plus généralement de réagir avant de subir.
Dans un contexte de marché incertain, un examen de la composition des prix d’équilibre va permettre d’identifier les leviers d’actions :
- peut-on différer des annuités ?
- Peut-on les étaler ?
- Peut-on décaler un investissement ?
- Peut-on reporter une part des engagements personnels ? …
Tous ces aspects du prix d’équilibre en font un outil de gestion à part entière. En adéquation avec le profil de l’exploitant et les moyens dont il dispose, le prix d’équilibre est le 3ème élément qui permet de construire une stratégie de commercialisation.
Vers un pilotage dynamique, l’exemple de la « Ferme CHER – Grandes Cultures »
Ces questions ont été présentées tout au long de l’année par les conseillers de CERFRANCE Alliance Centre et ont donné lieu de à des échanges fructueux à Chartres (28), en juin 2015, à Pougues-les-Eaux (58) en novembre, à Neuville-aux-Bois (45) en décembre et, tout dernièrement, à Bourges (18), début février 2016.
Le niveau de prix d’équilibre auquel on arrive n’est pas une fatalité ; plusieurs composantes peuvent être adaptées pour faire baisser un prix de seuil. Voyons par exemple le cas de la « Ferme CHER – Grandes cultures » dans le contexte de prix actuels.
Description
170 ha de SCOP
Rendement potentiel blé tendre = 6,9 T/ha (calculé avant moisson 2015)
Capacité de stockage = 50 % de la récolte
Peu de réserves de trésorerie mobilisables
Éléments entrants dans le calcul du prix d’équilibre
Prélèvements privés moyens = 24 000 €
Annuités = 35 000 €
Autofinancement envisagé en 2015-2016 = 5 000 €
Prix d’équilibre du blé tendre récolte 2015 = 160 €/T
Proposition, raisonnement
Mi-juin 2015, l’exploitant reçoit une proposition à 150 €/T ; Quelles décisions prendre ? Vendre ou ne pas vendre ? Vendre une partie, si oui, combien ? Ce prix se révèle inférieur au prix d’équilibre, mais, après réflexion, on peut agir sur quelques paramètres pour faire baisser son prix d’équilibre.
Parmi les corrections possibles :
- Le report d’une partie des annuités : sur les 35 000 € d’annuités, 25 000 € sont modulables à +/- 30 % ce qui permet un report de 7 500 € d’annuités, soit un impact direct de -7 €/t sur le prix d’équilibre.
- Au vu de la situation, l’exploitant peut aussi décider de reporter son investissement d’un an, cela permet le report de l’autofinancement envisagé de 5 000 € et une baisse du -4 €/t sur le prix d’équilibre.
Ces deux actions sont simples, rapides et peu coûteuses.
Le prix d’équilibre s’établit alors à 149 €/t, cohérent avec le prix de marché proposé. L’exploitant décide d’engager 40% de sa récolte potentielle (soit l’équivalent de 2,7 t/ha).
Deuxième épisode, novembre 2015
Après récolte, comment arbitrer les ventes en fonction des volumes vendus et disponibles et au vue de l’évolution des cours ?
Le rendement réel en blé 2015 s’établit à 7,2 T/ha (contre 6,9T/ha estimé avant moisson). L’ajustement des dépenses permet de recalculer le prix d’équilibre à 143 €/T. Sachant que l’équivalent de 2,7 T/ha a été vendu avant moisson à 150 € /T, le solde peut être vendu à 138 €/T.
Les cours proposés permettent une vente du solde de la récolte à 142 €/T. L’exploitant prend la décision de vendre l’intégralité de son stock, estimant que l’ensemble des besoins de l’année sont couverts, y compris ses prélèvements privés.
Conclusion
Au regard de cet exemple, le niveau des cours peut, au moins partiellement, se révéler suffisant pour assurer une rentabilité minimale (le niveau dépend de chaque exploitation). La situation récente et le contexte observé depuis juillet 2015 doit amener chaque exploitant à :
- calculer ses prix d’équilibre,
- identifier les sources d’ajustement,
- mettre en place les actions qui sont de nature à influencer durablement le prix d’équilibre.
En définitive, il s’avère que ce mode de gestion peut influencer la prise de décision des investissements qui gagnera une dimension plus dynamique, devenant, parfois, une variable d’ajustement. Le prix d’équilibre, positionné à 185 €/t, intègre les frais correspondant ,au cours Euronext.
R. Guillou, CERFRANCE Alliance Centre
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