Certaines sociétés ont une responsabilité dite « limitée ». Si cela protège le dirigeant en cas de « mauvaise fortune », elle n’est d’aucun secours en cas de faute de gestion.
Principe de la responsabilité limitée
Cela veut dire que les associés ne sont responsables des dettes qu’à hauteur de la valeur qu’ils possèdent dans le capital de ces sociétés pour les EARL ou SARL ou SAS.
En GAEC, la limite de la responsabilité est le double des apports en capital pour chaque associé. Ceci peut être un avantage notable si les dettes sont élevées.
En pratique, cependant, il arrive souvent que les créanciers, surtout les plus importants, prennent des sûretés ; mesure qui leur permet de recouvrer leurs créances envers la société. Cela d’autant plus que la responsabilité des associés est limitée. Et surtout quand le montant du capital social ou de l’actif net réel sont réduits.
Faute de garantie suffisantes les banques ne prennent pas le risque de perdre tout ou partie de leur créances. Ainsi, elles peuvent refuser de prêter, ce qui amène à leur accorder des garanties complémentaires qu’elles demandent. Cela peut prendre la forme de caution, hypothèque ou gage.
Des sûretés pour contourner la responsabilité limitée
Ces sûretés sont d’une redoutable efficacité car elles priment sur les créances des autres créanciers. C’est le cas des hypothèques sur biens immobiliers, gages, warrants et cautions des associés. Mais cela porte aussi sur ceux des tiers tels les membres de leur famille. En effet, ils engagent leur responsabilité pécuniaire à hauteur des sommes dues. Ce sont le capital restant, les intérêts de retard et les frais annexes. La seule limite est la portion insaisissable des revenus.
Les créanciers avec ou sans sûreté peuvent rechercher la responsabilité du(es) gérant(s) pour faute de gestion. La jurisprudence l’a prononcée lorsque « la situation est irrémédiablement ou fortement compromise ou obérée ».
Si cela est avéré l’acquisition de biens ou la poursuite de vaines dépenses est une faute. L’associé irresponsable au-delà de ses apports en capital le devient alors pour le surplus en tant que mauvais gérant, sans aucune limitation de montant.
Et les sociétés en agriculture ?
Dans le domaine agricole plus encore que dans le domaine commercial, la situation se dégrade souvent progressivement. Il est alors vivement conseillé au gérant de prendre immédiatement les mesures pour éviter qu’elles n’empirent et y remédier.
Les tribunaux estiment qu’un gérant qui poursuit l’activité de la société alors que l’actif est insuffisant pour faire face au passif et que la situation est compromise, engage sa responsabilité personnelle.
La faute de gestion du gérant est à fortiori reconnue si en cas de cessation de paiement celle-ci n’est pas déclarée immédiatement. Ex : Cour d’Appel Nouméa – Chambre commerciale 16.05.2013.
Les cogérants sont également responsables même si l’autre gérant a pris les décisions reprochées. En effet, il leur incombe de veiller à la bonne gestion de la société. Il doivent s’opposer aux actes de cogérants qui seraient contraires à l’intérêt social (Cour d’Appel Reims 06/02/2018).
Ceci s’applique aussi bien en EARL et GAEC qu’en SARL, SAS ou SA.
Il y a cependant un éventuel échappatoire. La banque qui financerait, alors même que la situation est compromise, verrait sa responsabilité engagée. Les tribunaux assimilerait cela à un financement abusif. Particulièrement si elle avait connaissance ou aurait pu l’avoir en faisant preuve de diligence de cette situation.
Conclusion
La responsabilité limitée est très souvent battue en brèche par diverses mesures. Le plus important est de veiller à ce que les situations difficiles donnent lieu rapidement à prise de décisions opportunes. Il s’agit, notamment, des demandes d’étalement d’emprunts par les gérants de ces sociétés. Cela peut aussi être la déclaration de cessation de paiement ou la demande de mise en redressement judiciaire.
Si rien ne peut sauver l’entreprise, une liquidation amiable ou même judiciaire est préférable à la disparition de l’essentiel du patrimoine privé des associés, des gérants ou des proches responsables ou garants de dettes que la société à responsabilité ne pourra pas rembourser.
F. POIGNARD, juriste en droit rural, Cerfrance Alliance Centre (5 septembre 2018, mis à jour mars 2023)
Article précédent
Article suivant