Conclure un bail au profit d’une société d’exploitation agricole plutôt qu’à un des associés peut répondre à des besoins spécifiques d’organisation familiale.

Souvent déconseillé, le bail signé directement à la société d’exploitation agricole se développe pour répondre à des besoins spécifiques d’organisation familiale. Trois raisons principales poussent  les propriétaires-exploitants à louer leurs terres à une société :

1) Ne pas vouloir léser un descendant dans la propriété du bien

Prenons l’hypothèse d’un agriculteur en individuel. Au moment de prendre sa retraite, il crée une société avec ses trois enfants dont un seul peut prendre le statut d’associé exploitant dans l’immédiat. Plutôt que de louer les terres familiales, comme cela se pratique couramment, à l’associé-exploitant qui met à disposition son droit à la société, les parents ont désigné la société directement bénéficiaire du bail pour sécuriser le patrimoine des non-exploitants. Ainsi, la société ne se retrouvera pas sans foncier si l’exploitant décide de quitter la structure pour s’installer seul. « Vidée de son foncier, la société n’a plus la même valeur », justifie Jean-Marie Rousseau, Responsable de groupe juridique de Cerfrance Alliance Centre. Ici, il a été fait le choix de transmettre des parts sociales car deux des enfants, encore jeunes, voulaient se laisser la possibilité de s’installer un jour. « Par la détention de parts sociales, chacun dispose d’un droit sur le bail et sur la propriété familiale ».

2) Bénéficier d’avantages fiscaux (abattements)

Armand est propriétaire des terres qu’il exploite seul en EARL. D’ici à quelques années, il prendra sa retraite et ses enfants souhaitent conserver l’entreprise familiale. En vue de préparer la transmission, il signe un bail à long terme à la société. « La conclusion de ce bail permet, au moment de la succession ou de la donation, de bénéficier d’un abattement sur le montant imposable des biens loués de ¾ jusqu’à 101 897 € et de la moitié au-delà. Ce plafond s’applique à la part de  chaque héritier ou donataire », précise le juriste. « Quand il y a plusieurs associés, il faut être très vigilant quant à la rédaction des statuts. En cas de décès de l’un ou de cessation d’activité, il faut prévoir les règles de mutation des parts sociales au bénéfice du conjoint ou des descendants », conseille-t-il.

Exemple : une société entre deux frères, chacun est propriétaire d’une partie du foncier. Ils s’entendent bien et donnent leur foncier à bail directement à la société. La situation de cette génération n’est pas pour autant garantie pour les descendants. Une réflexion patrimoniale est à mener de part et d’autre afin d’anticiper une mésentente ou des enjeux patrimoniaux différents.

À défaut, le seul moyen de rompre cette organisation juridique sera la résolution amiable avec ses difficultés ou la dissolution de la société qui n’est pas sans impact financier, économique et humain. « En revanche, si l’un des frères est sans enfant, le bail à long terme à la société peut être un bon outil de transmission familiale alors que les droits de mutation sont relativement importants entre collatéraux ».

3) S’adapter à la valeur du marché

L’exploitation a une valeur patrimoniale, mais aussi une valeur économique qui peut être importante. Un bon moyen de s’adapter au prix du marché est la création d’un fonds agricole. « Accompagné d’un bail cessible à la société, le fonds permet de justifier d’une valeur économique du droit au bail, ce qui est impossible pour les baux classiques ».

« Ce choix va plutôt répondre à une cession hors cadre familial », précise Jean-Marie Rousseau pour qui le bail cessible n’est pas beaucoup plus contraignant qu’un bail de neuf ou dix-huit ans au regard du droit de reprise du propriétaire-bailleur. Dès lors, il n’y a plus d’inconvénient à ne pas choisir son fermier. « Il faut raisonner économiquement, insiste-t-il. C’est un peu comme avoir un appartement dont on confie la gérance à une agence immobilière. Peu importe le locataire, pourvu que le loyer soit payé tous les mois ». Cette solution juridique est encore peu utilisée. Les propriétaires fonciers ne sont pas toujours prêts psychologiquement. L’attachement à la terre reste très fort. C’est aussi la raison pour laquelle l’apport du droit au bail à une société est très rare.

Repris de Arielle Delest La France Agricole – 19 février 2016

en collaboration avec Cerfrance Alliance Centre