Après avoir développé dans un précédent article les caractéristiques et les principes de fonctionnement du privilège de prêteur, nous développons ici celles du nantissement.

Principes et conditions

Le gage ou nantissement est un contrat aux termes duquel le débiteur affecte un bien mobilier en garantie de son engagement financier. Le nantissement concerne les biens incorporels (parts sociales, fonds de commerce …) et se distingue du gage qui concerne des biens meubles corporels (matériels …).

Le nantissement peut être convenu entre un créancier et un débiteur (nantissement conventionnel) mais aussi résulter d’une décision de justice (nantissement judiciaire). L’objet du nantissement ou du gage doit être un bien meuble (placements financiers, matériels, fonds de commerce, parts sociales de SCI ou de SCPI…). Pour être opposable aux tiers, il doit être rédigé par acte authentique ou sous seing privé et enregistré. Hors acte authentique, le coût d’enregistrement s’élève à environ 300 €.

Par principe, le créancier dispose alors d’un droit de rétention sur le bien gagé ou nanti jusqu’à ce que le prêt soit remboursé intégralement. Ce droit de rétention lui confère un droit de préférence face à d’autres créanciers engageant des poursuites. Cependant, cela reste un droit limité, car le créancier gagiste n’est pas prioritaire face à un créancier disposant d’un droit plus fort (en particulier privilège de prêteur de deniers ou hypothèque).

Enfin, le code civil précise que le créancier bénéficie du droit « d’affecter la chose à son paiement », c’est-à-dire de procéder à la vente du bien nanti ou gagé. Avant la réforme de 2006, le créancier pouvait faire valoir son nantissement, soit en demandant la vente forcée du bien, soit son attribution judiciaire. Depuis la réforme, il existe des solutions spécifiques, suivant le terme de la garantie.

Si le terme de la garantie est échu, les sommes relatives au nantissement ou gage s’imputent sur la créance garantie.

Exemple : Un emprunt in fine sur JO ans est nanti sur une somme équivalente au capital à rembourser. Au terme des JO ans, sauf dispositions contraires, le placement vient rembourser le capital de l’emprunt.

Si le débiteur de l’emprunt est défaillant avant l’échéance de ce dernier, le créancier lui signifie une mise en demeure de paiement. Sans réponse dans un délai de huit jours, le créancier imputera les sommes dues sur les sommes nanties.

Si la garantie persiste et que le débiteur se révèle défaillant, le créancier pourra utiliser la voie judiciaire pour exercer son droit.

Applications pratiques du gage et nantissement

L’utilisation de la technique du nantissement, par son absence de coût spécifique (hors frais d’enregistrement ou frais notarié) doit retenir l’attention et trouve de multiples applications dans les opérations de crédits.

Applications en matière agricole et artisanale

Cette garantie revêt un rôle important dans les opérations commerciales de crédits professionnels. Par exemple en agriculture, le gage trouve à s’appliquer aux créances résultant de la vente de matériels ou outillages agricoles. Les bénéficiaires de cette garantie sont, soit les vendeurs de matériels (crédit-bail) soit les organismes bancaires prêteurs (crédits classiques). Dans l’artisanat, le nantissement du fonds de commerce est une forme de garantie classique qui accompagne les opérations de financement bancaire et les cessions de fonds avec crédit vendeur.

Applications en matière de placements

D’autres applications de cette garantie existent. En particulier celles qui permettent la faculté de nantir des placements à l’occasion de la souscription d’un prêt ou d’une ouverture de crédit. II s’agit d’un nantissement mobilier prévu par l’article 2071 du Code Civil. Le nantissement conduit à l’indisponibilité du placement (portefeuille titres, dépôt à terme, assurance-vie…) pendant la durée de l’emprunt mais n’empêche pas des arbitrages si le créancier l’autorise. C’est là l’intérêt du système, ne pas figer le portefeuille dans le temps tout en conservant à la garantie accordée toute sa valeur.

Le créancier pourra imposer cependant ses exigences en préférant un placement sécuritaire (fonds euros d’un contrat d’assurance-vie, dépôt à terme…) plus sûr et plus stable que sous forme d’actions à la rentabilité plus aléatoire.

REMARQUE
Comme toute négociation de garantie, le niveau de nantissement sur un paiement n’est pas nécessairement égal au montant emprunté. Tout dépendra de l’appréciation globale du dossier de l’emprunteur et de l’appréciation de son patrimoine.
Exemple : Un emprunt est réalisé pour un montant de 200000 €. Un nantissement est retenu sur la moitié de la somme empruntée, soit 100 000 €, le solde pouvant faire l’objet d’une éventuelle garantie complémentaire (caution personnelle,…).

Applications sur les parts sociales de société civile immobilière

La technique du nantissement trouve aussi sa place et de nouvelles applications dans le cadre de montages financiers. II en est  ainsi du nantissement des parts sociales de sociétés civiles immobilières. Cette technique sera avantageusement utilisée dans les cas suivants :

  • Achat de parts sociales de SCI ou SCPI par recours à l’emprunt garanti par le nantissement des parts sociales elles-mêmes.
  • Emprunt pour souscrire au capital d’une SCI : les fonds empruntés seront alors apportés à la société et l’associé remboursera à titre personnel le prêt, les parts de la SCI constituant le gage du prêteur.
  • Utilisation des parts d’une SCI existante pour garantir le financement de l’acquisition d’un nouveau bien immobilier.

Exemple : M et Mme DUPOND achètent une résidence secondaire par emprunt pour 300 000 €. Par ailleurs, M et Mme DUPOND sont associés d’une SCI composée de plusieurs biens immobiliers locatifs. La valorisation des parts sociales de cette SCI est suffisante pour servir de nantissement au prêt de 300 000 €.

Cette technique du nantissement des parts sociales de société civiles immobilières sera à utiliser avec prudence. En effet, la conséquence finale de la mise en œuvre par le créancier du nantissement de parts sociales de SCI est la faculté de se substituer à un associé. Ainsi, le créancier dispose du droit de devenir associé dans la SCI en lieu et place du débiteur. En conséquence, il conviendra d’être vigilant sur les enjeux d’une entrée éventuelle d’un titulaire d’un droit de nantissement.

D’après la revue Atouts+Finances, revue sur abonnement du réseau Cerfrance.