Un large pan des futures ordonnances devrait être consacré à la rupture du contrat de travail, notamment aux licenciements pour motif économique, sujets sur lequel le Gouvernement pourrait être habilité à prendre plusieurs mesures.

Règles de procédure et de motivation du licenciement

L’ordonnance pourrait adapter les règles de procédure en matière de licenciement, et en particulier celles relatives à la motivation de la rupture, de manière à ce qu’un vice de forme ne puisse pas rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les conséquences d’un manquement éventuel de l’employeur en la matière, en amont ou lors du recours contentieux, pourraient également faire l’objet d’adaptations (art. 3, 1° c).

L’objectif de cette mesure, d’après l’étude d’impact du projet de loi, est double. Rappelant le caractère central, pour le juge, de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, le Gouvernement constate :

  • d’une part, pour le salarié, une insécurité liée au fait que l’employeur peut lui reprocher dans cette lettre des faits qui n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable au licenciement, et sur lesquels il n’a pas pu se défendre, ainsi qu’une explication souvent insuffisamment détaillée sur les raisons justifiant la rupture,
  • d’autre part, pour l’employeur, une exigence de motivation souvent vécue comme privilégiant la forme sur le fond.

Il est envisagé d’établir un modèle-type de lettre de licenciement, au moyen d’un formulaire « Cerfa ». Celui-ci permettrait de sécuriser l’employeur, en clarifiant les exigences de forme nécessaires à l’énoncé des motifs du licenciement.

Par ailleurs, le salarié aurait la possibilité, indépendamment de toute instance judiciaire, de demander à son employeur des explications complémentaires sur certains griefs qui lui sont reprochés, explications qui pourraient désamorcer le conflit en amont.

Licenciement pour motif économique

Le périmètre d’appréciation de la cause économique

Le périmètre d’appréciation de la cause économique de licenciement pourrait être redéfini (projet art. 3, 2°). Actuellement, les difficultés économiques touchant une entreprise n’appartenant pas à un groupe s’apprécient au niveau de l’entreprise dans son ensemble, et non d’un secteur d’activité ou d’un établissement. Ce point ne devrait pas être remis en cause.

En revanche, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, ses difficultés économiques sont appréciées au niveau du secteur d’activité de ce groupe, en tenant compte des entreprises situées à l’étranger. L’ordonnance pourrait revenir sur ce point, probablement pour limiter au seul périmètre national l’appréciation du motif économique. D’après l’étude d’impact du projet de loi, une définition du secteur d’activité serait en outre inscrite dans la loi.

Une réserve est toutefois prévue par le projet de loi : pour éviter la fraude, des dispositions de nature à prévenir ou tirer les conséquences de la création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi en France seraient prévues (projet art. 3, 2°). Sont citées par l’étude d’impact du projet de loi les pratiques de contournement et d’optimisation sociale : transfert de la trésorerie d’une filiale française au profit d’une autre filiale, allocations de charges communes excessives ou choix stratégiques cherchant manifestement à organiser l’insolvabilité d’un site français.

A noter : L’ordonnance pourrait ainsi réintroduire le dispositif initialement prévu par le projet de loi Travail, mais qui en avait finalement été retiré par amendement présenté devant l’Assemblée nationale.

L’obligation de reclassement préalable

L’ordonnance pourrait préciser les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à son obligation de reclassement préalable au licenciement économique (projet de loi art. 3, 2°). Il s’agirait de simplifier la procédure de reclassement et de sécuriser les obligations de reclassement interne de l’employeur en cas de contentieux.

L’étude d’impact du projet de licenciement envisage plusieurs mesures à ce titre :

  • une possibilité pour les salariés dont le licenciement est envisagé d’avoir accès aux offres de reclassement interne via notamment une bourse des offres sur l’intranet de l’entreprise, l’ordonnance fixant les modalités de cette information afin de garantir les droits des intéressés,
  • une révision du périmètre géographique de l’obligation de reclassement : la possibilité de reclasser les salariés à l’étranger serait maintenue, mais le défaut de propositions de reclassement hors périmètre national ne serait pas de nature à priver le licenciement économique de cause réelle et sérieuse,
  • l’absence d’obligation de reclassement dans le cadre d’un plan de départ volontaire, déjà prévue par la jurisprudence, pourrait être inscrite dans la loi.

L’ordre des licenciements

Les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique seraient précisées (projet de loi art. 3, 2°).

La définition par l’employeur des catégories professionnelles dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pourrait être sécurisée en dotant les accords majoritaires d’une présomption de conformité en la matière. Cela impliquerait, d’après l’étude d’impact du projet de loi, un contrôle restreint de la Direccte sur ce point, voire une absence de contrôle. S’agissant des PSE fixés par document unilatéral de l’employeur, des modalités adaptées de contrôle des catégories professionnelles pourraient également être prévues. Il s’agit d’un point important, puisqu’une erreur dans la définition des catégories professionnelles peut entraîner un refus de validation ou d’homologation de l’administration.

Les plans de sauvegarde de l’emploi

Le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à adapter les modalités de licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements (projet de loi art. 3, 2°).

Selon l’étude d’impact du projet de loi, la mise en œuvre d’un PSE et de ses obligations ne se justifie que dans les cas de licenciements pour motif économique importants. Les seuils à partir desquels l’établissement d’un PSE s’impose pourraient donc être relevés. Rappelons que l’élaboration d’un PSE est actuellement obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés envisageant de licencier au moins 10 d’entre eux sur 30 jours.

Les plans de départ volontaire

Les plans de départ volontaire feraient également l’objet de mesures visant à les sécuriser, en particulier en matière d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel et d’accompagnement du salarié (projet de loi art. 3, 1° g).

Les reprises d’entités économiques autonomes

L’ordonnance pourrait prévoir des mesures de nature à faciliter les reprises d’entités économiques autonomes (projet de loi art.3, 2°).

Sont visés les transferts d’entités économiques d’une entreprise constituant un moyen de favoriser la reprise des salariés, notamment dans le cas d’une fermeture de site. Cette mesure devrait s’inscrire dans le cadre des dispositifs de revitalisation du bassin d’emploi, qui concerne à l’heure actuelle les entreprises d’au moins 1 000 salariés mais pourrait être étendue.

© Editions Francis Lefebvre 2017