Pouvant être considéré comme le dernier texte de loi majeur du quinquennat, cette loi permet à la France de se doter d’une panoplie législative à la hauteur des standards internationaux en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique. La loi Sapin 2 a été validée, pour l’essentiel, par le Conseil constitutionnel, jeudi 8 décembre 2016.
Les affaires défrayant régulièrement la chronique – « Panama papers », « LuxLeaks » ou autres – témoignaient de l’urgence de faire évoluer la législation française à la fois pour se doter de mécanismes anticorruption effectifs et protéger les lanceurs d’alerte.
Mesures relatives au renforcement de la régulation financière
Limitation des rachats et autres opérations sur les contrats d’assurance-vie et produits assimilés (article 49 de la loi)
- Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) peut limiter ou retarder certaines opérations (versements, arbitrages, avances et rachats) réalisées sur des contrats d’assurance-vie, contrats de capitalisation, contrats d’épargne retraite, voir contrats d’épargne salarial.
- Ces restrictions doivent néanmoins être justifiées par des circonstances exceptionnelles (crise financière, hausse brutale des taux, etc.) et sont prises pour une durée maximum de 3 mois, renouvelable (toutefois la limitation des rachats ne pourra durer plus de 6 mois consécutifs).
Principe équivalent
Limitation des rachats des titres d’organismes de placement collectif (OPC) (article 118 de la loi)
Lorsque les circonstances exceptionnelles l’exigent et si l’intérêt des actionnaires ou du public le commande (l’AMF pouvait déjà suspendre provisoirement les rachats ou émission de titres d’OPC dans ces mêmes circonstances).
Limitation de la performance du fonds euros (article 49 de la loi)
Le HCSF peut moduler la constitution et la reprise de la provision pour participation aux bénéfices afin de forcer les assureurs et organismes assimilés à réduire la rémunération versée au titre des fonds euros et les “ contraindre ” à renforcer leur solvabilité financière.
Commentaire : C’est une avancée importante, car des compagnies usaient de cette faculté pour avoir de meilleurs performances et cela créait polémique.
Mesures relatives à la protection des droits des consommateurs en matière financière
Encadrement des publicités portant sur les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués (articles 72 à 78 de la loi)
- Les prestataires de services d’investissement (PSI) ne peuvent pas adresser, directement ou indirectement, par voie électronique aux clients susceptibles d’être des non-professionnels des communications à caractère promotionnel portant sur des contrats financiers non négociables et présentant un risque. Les consultants en patrimoine de Cerfrance ne sont pas conseillers en investissements financiers (CIF).
- Les publicités relatives à l’acquisition de logements bénéficiant d’un dispositif d’incitation fiscal doivent permettre d’en comprendre les risques et indiquer clairement les conséquences fiscales du non-respect de l’engagement de location.
Création d’une option solidaire au sein du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) (article 80 de la loi)
Les détenteurs de LDD, devenus « Livret de Développement Durable et Solidaire » peuvent, annuellement et sans frais, verser une partie des sommes du livret en faveur d’organismes relevant de l’économie sociale et solidaire.
Censure du Conseil constitutionnel
Une assurance-emprunteur ne peut pas être résiliée plus de 12 mois après la signature de l’offre de prêt (article 82 de la loi)
Mesures relatives à l’amélioration du financement des entreprises
Nouveau cas de sortie anticipée des plans d’épargne retraite populaire (PERP) (article 116 de la loi).
Les titulaires de PERP d’un montant inférieur à 2 000 € et n’ayant fait aucun versement au cours des 4 années précédant le rachat peuvent récupérer le capital sans attendre l’âge légal de leur départ à la retraite. Le titulaire doit en outre avoir un revenu au titre de l’année 2016 inférieur à 25 155 € (majoré de 5 877 € pour la première demi-part et 4 626 € à compter de la deuxième demi-part supplémentaire) pour les rachats en 2017.
Habilitation du Gouvernement afin de créer un fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) (article 114 de la loi)
Le Gouvernement est habilité à prendre des dispositions visant à créer un fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS). Ce fonds s’inscrirait dans le périmètre des régimes souscrits dans un cadre professionnel (article 83, PERE, article 39, Madelin).
Mesures visant à l’amélioration du parcours de croissance de l’entreprise
Allègement de la solidarité en matière de location-gérance (article 144 de la loi)
Le propriétaire d’un fonds de commerce est solidairement tenu des dettes d’exploitation et fiscales de son locataire-gérant seulement jusqu’à la publication du contrat de location.
Aménagement des régimes d’imposition des microentreprises (article 124 de la loi)
- La durée de l’option pour le régime réel par les exploitants relevant en principe du régime des microentreprises est réduite à 1 an (contre 2 ans auparavant) et renouvelée tacitement pour 1 an.
- Les sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) dont l’associé unique est une personne physique dirigeant la société sont désormais éligibles au régime du micro-BIC et du micro-BNC.
Simplification des apports en société (articles 129, 139 et 140 de la loi)
- Le passage de l’entreprise individuelle en société unipersonnelle (EURL ou SASU) est facilité : les apports réalisés à une société détenue en totalité par l’apporteur sont dispensés des mentions de l’article 141-1 du Code de commerce et des formalités de publicité dans un journal d’annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
- La possibilité d’écarter le recours au commissaire aux apports est étendue aux apports en SAS et en cas d’apport à une EURL ou une SASU dans certains cas.
Simplification du régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) (article 128 de la loi)
- L’entrepreneur individuel qui se transforme en EIRL, quelle que soit son option fiscal, est dispensé de procéder à l’évaluation des biens affectés d’une valeur supérieure à 30 000 €.
- La déclaration d’affectation des biens à l’EIRL n’est désormais opposable qu’aux créanciers postérieurs à l’affectation (les entrepreneurs n’ont plus la faculté de rendre l’affectation rétroactive et opposable aux créanciers antérieurs à la création de l’EIRL).
Simplification du régime de la faute de gestion (article 146 de la loi)
La responsabilité du dirigeant d’entreprise ne pourra plus être mise en cause en cas de simple négligence ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société.
Précision sur les droits de vote double en cas de fusion ou scission (article 144 de la loi)
Les droits de vote double détenus par une société absorbée ou scindée dans une société tierce sont maintenus en cas de fusion ou scission au profit de la société absorbante ou de la société bénéficiaire de la scission.
Habilitation du Gouvernement pour prendre de mesures visant à simplifier les obligations de publications auxquelles sont assujetties les sociétés (article 136 de la loi)
Le Gouvernement est habilité à prendre des mesures visant notamment à autoriser les sociétés non cotées à prévoir la tenue d’assemblées générales dématérialisées.
Mesures relatives à la modernisation de la vie économique et financière
Rémunérations des dirigeants soumises au vote contraignant de l’assemblée générale de sociétés anonymes cotées (article 161 de la loi)
L’assemblée générale vote, de manière anticipée et contraignante, la rémunération et les avantages fixes, variables et exceptionnels des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, membres du directoire, directeur général unique et membres du conseil de surveillance.
Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques (article 151 de la loi)
Une nouvelle catégorie de créanciers chirographaires peut être créée par l’émission de titres obligataires (créances séniors). Ils supporteront en priorité l’apurement des dettes en cas de défaillance de l’organisme bancaire (les créanciers chirographaires ordinaires sont alors mieux protégés).
Mesures relatives à l’anticorruption
Instauration d’un statut du lanceur d’alerte (articles 6 à 16 de la loi)
- Un statut est créé pour les lanceurs d’alerte (divulgation désintéressée, dépénalisation, protection de l’identité des lanceurs d’alerte, etc.).
- Cette protection est étendue aux divulgations portant sur des manquements administratifs réprimés par l’AMF ou l’ACPR.
Dispositifs anti-corruption internes aux grandes entreprises (article 17 de la loi)
Les grandes entreprises et établissements publics à caractère industriel et commercial de plus 500 salariés et ayant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros ont l’obligation de mettre en place des dispositions préventives et internes à la société (code de bonne conduite, formation des cadres et personnels les plus exposés au risque de corruption, etc.).
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