Un exploitant agricole, co titulaire d’un bail rural, doit personnellement et effectivement participer à la mise en valeur des biens loués.

La situation

Un locataire est co titulaire d’un bail, mais il n’est pas associé à la mise à la disposition d’une société des biens loués, car il dirige une autre ferme. Cela constitue alors un manquement à une obligation essentielle du bail rural faisant, à lui-seul, obstacle à la faculté de céder.

Conséquences de la non mise en valeur sur la cession du bail

Le code rural prohibe, en principe, la cession du bail. Toutefois, par exception, cette opération est possible lorsque le bénéficiaire est un des membres de la famille du preneur. Mais, même lorsqu’elle est possible, la cession reste subordonnée à l’agrément préalable du bailleur. A défaut, le tribunal paritaire des baux ruraux peut encore l’autoriser, le cas échéant (1).

Mise en valeur et bonne foi du fermier

Dans cette dernière hypothèse, les juges doivent alors rechercher si la cession ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes du bailleur (2). Ils apprécient cela uniquement au regard, d’une part, de la bonne foi du preneur-cédant, et, d’autre part, des conditions de mise en valeur de l’exploitation par le cessionnaire éventuel. C’est ainsi qu’une juridiction refusera l’autorisation de cession si le preneur n’est pas de bonne foi, c’est-à-dire s’il a commis des manquements aux obligations nées du bail.

En effet, ajoutant au texte de l’article L. 411-35, la jurisprudence décide que la faculté de céder le bail est une faveur réservée au fermier qui s’acquitte scrupuleusement de ses obligations (3).

L’obligation de participer effectivement à la mise en valeur du fonds loué

Parmi ces obligations, figurent notamment celles qui découlent de la mise à disposition d’une société des biens loués, notamment l’obligation faite au preneur de continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation (4).

Aussi, si les copreneurs n’effectuent pas, ensemble, la mise à disposition en raison de l’importance de l’obligation méconnue, le tribunal peut considérer que les preneurs sont de mauvaise foi. Il peut alors les priver de la faculté de céder leur bail (5).

Le fondement juridique

Cette solution est bien établie en jurisprudence. Un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 27 avril 2017 l’a à nouveau illustrée.

Diverses parcelles de terre sont données à bail rural à un couple d’agriculteurs. Les biens loués sont ensuite mis à la disposition d’une société d’exploitation agricole par l’un des membres du couple seulement. En effet, l’autre époux, qui dirige une autre ferme, n’est pas associé à la mise à disposition.

Quelques années après le renouvellement de leur bail, les copreneurs sollicitent alors l’autorisation de céder le bail à leur fils. Le bailleur ayant refusé de donner son agrément à cette cession, les locataires saisissent donc le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande d’autorisation judiciaire de cession du bail.

Cette demande est rejetée en cour d’appel

Au soutien de leur décision, les juges du second degré relèvent en effet que les terres louées ont été mises à la disposition d’une société civile d’exploitation agricole et que l’un des copreneurs n’y a pas été associé. Dès lors, ils retiennent que ce manquement à une obligation essentielle du bail rural fait à lui seul obstacle à la faculté de céder. La Cour de cassation n’a donc rien trouvé à redire à cette argumentation. Le pourvoi formé contre l’arrêt attaqué est rejeté.

Référence : Cass. 3ème civ., 27 avr. 2017, n° 16-12.825, n° 468 D

Références

(1) rur., art. L. 411-35, al. 1er
(2) 3ème civ., 9janv.1991, n° 89- 12.227 : Bull. civ. III, no 17 / Cass. 3ème civ., 22 juill. 1992, no 91-18.332 : Bull. civ. III, n° 258 / Cass. 3ème civ., 1er juill. 1998, n° 96-19.459 : Bull. civ. III, n° 151
(3) 3è civ., 21 févr. 1996, n° 94-12.134 : Bull. civ. III, no 51 / Cass. 3ème civ., 16 déc. 1998, n° 96-22.504 : Bull. civ. III, n° 250 / Cass. 3ème civ., 16 mai 2000, n° 98-20.050 / Cass. 3ème civ., 24 nov. 2009, n° 08-21.472, n° 1357 D
(4) C. rur., art. L. 411-37, al. 4 – (5) 3ème civ., 3 févr 2010, n° 09-11.528 : Bull. civ. III, n° 29 / Cass. 3ème civ., 14 févr. 2012, n° 10-28.804, n° 234 D / Cass. 3ème civ., 5 juin 2013, n° 12-18.465, n° 662 P + B : Bull. civ. III, n° 72

Publié pour la première fois le 29 septembre 2019, révisé le 9 mars 2021.